- Les infections à streptocoques sont principalement dues aux groupes A (pharyngites, SGA invasif) et B (infections périnatales), caractérisés par des facteurs de virulence tels que la protéine M et les exotoxines.
- Les manifestations cliniques varient de lésions cutanéo-muqueuses localisées (angine, impétigo, érysipèle) à des formes systémiques graves (choc toxique, fasciite nécrosante), nécessitant une reconnaissance rapide des signes d’alerte (douleur disproportionnée, hypotension, défaillance multiviscérale).
- La transmission s’opère par aérosols respiratoires, contact direct avec des lésions ou objets contaminés, avec un risque accru chez les immunodéprimés, femmes en péripartum, toxicomanes IV et porteurs de lésions chroniques.
- Le traitement repose sur la pénicilline G associée à la clindamycine pour inhiber la toxine, complété en cas de choc septique par remplissage vasculaire, noradrénaline, immunoglobulines IV et débridement chirurgical précoce.
- La prévention s’appuie sur l’hygiène des mains, la chimioprophylaxie post-exposition (phénoxyméthylpénicilline), le dépistage des femmes enceintes pour le SGB et le développement de vaccins multivalents en cours d’essais.
Diversité des souches streptococciques et implications pathogènes
Classification microbiologique et virulence
Le genre Streptococcus regroupe plus de 50 espèces caractérisées par leur arrangement en chaînettes et leur métabolisme fermentatif. La classification de Lancefield, basée sur les antigènes de paroi, reste pertinente en pratique clinique avec une incidence particulière sur les groupes A (SGA) et B (SGB).
Les SGA (Streptococcus pyogenes) expriment des facteurs de virulence comme la protéine M membranaire et les exotoxines pyrogénétiques (SpeA, SpeB). Ces déterminants moléculaires conditionnent à la fois l'adhésion tissulaire, l'échappement immunitaire et le déclenchement de réponses inflammatoires systémiques.
Profils épidémiologiques contrastés
Les infections non invasives à SGA (pharyngites, impétigo) présentent une incidence annuelle estimée à 600 millions de cas mondiaux. À l'inverse, les formes invasives (SGAi) comme le syndrome de choc toxique streptococcique (SCTS) et la fasciite nécrosante restent rares mais dramatiques, avec une mortalité atteignant 30-70% en l'absence de prise en charge rapide.
L'émergence récente de clones hypervirulents, notamment les souches M1T1 et M3 productrices de superantigènes, explique en partie la recrudescence des cas graves observée au Japon (+400% d'incidence en 2024) et dans plusieurs pays européens.
Manifestations cliniques : du portage asymptomatique aux états septiques fulminants
Infections cutanéo-muqueuses localisées
La pharyngite streptococcique, caractérisée par une dysphagie brutale associée à une fièvre >38,5°C et des adénopathies cervicales antérieures, représente 15-30% des angines de l'adulte. Sa complication scarletiforme se manifeste par un énanthème pharyngé et un exanthème micropapuleux "en chair de poule".
Les infections cutanées superficielles (impétigo, érysipèle) résultent souvent d'une effraction de la barrière épidermique, favorisée par des conditions d'hygiène précaires ou des comorbidités (diabète, eczéma).
Formes invasives systémiques
Le SCTS associe hypotension persistante (PAS <90 mmHg), défaillance multiviscérale (insuffisance rénale, coagulopathie) et isolement de SGA dans un site normalement stérile. Son déclenchement résulte d'une tempête cytokinique induite par les superantigènes streptococciques.
La fasciite nécrosante, complication redoutée des plaies contaminées, évolue en trois phases :
- Douleur locale disproportionnée (phase précoce)
- Œdème érythémateux avec signes systémiques (48-72h)
- Nécrose tissulaire extensive avec crépitation sous-cutanée
Modalités de transmission et facteurs de risque
Voies de dissémination
La transmission interhumaine s'effectue principalement par :
- Aérosolisation de gouttelettes respiratoires (toux, éternuements)
- Contact direct avec des lésions cutanées ouvertes
- Manipulation d'objets contaminés (vaisselle, linge)
Les épidémies nosocomiales, bien que rares, surviennent généralement en maternité ou en chirurgie, impliquant souvent des porteurs asymptomatiques parmi le personnel soignant.
Populations vulnérables
L'analyse des cohortes canadiennes identifie plusieurs profils à risque accru de SGAi :
- Patients immunodéprimés (traitement corticostéroïde, VIH avancé)
- Porteurs de lésions cutanées chroniques (ulcères veineux, piqûres d'insectes infectées)
- Consommateurs de drogues intraveineuses
- Femmes en péripartum (40% des SGAi obstétricaux)
Approches diagnostiques : des TROD aux techniques moléculaires
Détection rapide en première ligne
Les tests rapides d'orientation diagnostique (TROD) antigéniques offrent une sensibilité de 85-95% pour le dépistage des pharyngites à SGA, permettant une antibiothérapie ciblée immédiate. Leur utilisation systématique en médecine générale a réduit de 65% les prescriptions inappropriées d'antibiotiques.
Méthodes de confirmation en milieu hospitalier
Pour les infections invasives, l'hémoculture reste l'examen de référence, complétée par :
- PCR en temps réel ciblant le gène speB
- Sérologie anti-streptolysine O (ASLO) pour les complications post-infectieuses
- Typage moléculaire des souches épidémiques (séquençage emm)
Prise en charge thérapeutique : entre antibiothérapie et chirurgie salvage
Schémas antibiotiques de première intention
La pénicilline G (200 000 à 400 000 UI/kg/j en 4-6 perfusions) associée à la clindamycine (40 mg/kg/j) constitue le traitement standard des SGAi, la clindamycine inhibant la synthèse toxinique. En cas d'allergie aux β-lactamines, les macrolides (azithromycine 500 mg/j) restent une alternative malgré l'émergence de résistances (15-30% des souches).
Interventions adjuvantes
Le traitement des chocs septiques graves requiert :
- Remplissage vasculaire guidé par échocardiographie
- Noradrénaline en première intention (0,1-3 μg/kg/min)
- Immunoglobulines polyvalentes IV (2 g/kg) pour neutraliser les superantigènes
- Débridement chirurgical précoce des tissus nécrotiques (>6h après diagnostic)
Stratégies préventives : de l'hygiène individuelle à la prophylaxie ciblée
Mesures collectives de santé publique
L'Agence de santé publique du Canada recommande :
- Dépistage systématique des femmes enceintes à 35-37 SA (SGB)
- Vaccination antigrippale des groupes à risque (réduction du portage streptococcique)
- Campagnes d'information sur l'hygiène des mains dans les communautés fermées
Chimioprophylaxie
Une antibioprophylaxie post-exposition (phénoxyméthylpénicilline 1,2 MU/j pendant 10j) est indiquée pour :
- Contacts familiaux de cas index de SCTS
- Nouveau-nés de mères infectées
- Patients splénectomisés exposés
Évolution récente et défis futurs
La pandémie de COVID-19 a modifié l'épidémiologie des infections streptococciques, avec une incidence des SGAi multipliée par 4,7 au Japon depuis 2022. Cette flambée, attribuée à l'immunodépression post-virale et à la circulation de clones recombinants, souligne l'urgence de développer des vaccins multivalents ciblant les variants M1/M3.
Plusieurs candidats vaccins (StreptInCor, SpyAD) en phase II/III montrent des taux de séroconversion >80%, offrant l'espoir d'une immunisation large d'ici 2030. En attendant, l'optimisation des stratégies diagnostiques et la formation des professionnels aux signes d'alerte précoce restent les piliers de la lutte contre ces infections.
Conclusion
La maîtrise des infections streptococciques nécessite une approche intégrée combinant surveillance épidémiologique active, diagnostic rapide et traitement agressif des formes invasives. Les récentes avancées en génomique microbienne et immunothérapie ouvrent des perspectives prometteuses, mais soulignent parallèlement la nécessité de renforcer les mesures préventives dans les populations vulnérables. La coordination internationale des efforts de recherche et de santé publique apparaît plus que jamais essentielle face à l'émergence de souches hypervirulentes.
