- La scarlatine est une infection à Streptococcus pyogenes caractérisée par fièvre, angine érythémateuse et éruption scarlatiniforme avec « langue framboisée ».
- Transmise par voie aérienne ou contact direct, la contagiosité débute 24 h avant les symptômes et persiste 48 h après antibiotique ; mesures d’hygiène et éviction scolaire sont essentielles.
- Le diagnostic repose sur les TROD streptococciques (sensibilité 90-95 %) et, si besoin, culture ou PCR ; un traitement précoce par pénicilline V en 10 jours est recommandé.
- Les précautions préventives incluent le lavage des mains, la désinfection des surfaces, l’éviction scolaire et, en cas de cluster, une prophylaxie antibiotique pour les contacts à risque.
- Sans traitement, la scarlatine peut entraîner suppurations (otites, abcès), syndromes toxiniques ou complications immunitaires tardives (rhumatisme articulaire aigu, glomérulonéphrite) ; un suivi à J 3 et J 10 est conseillé.
La scarlatine, infection bactérienne causée par Streptococcus pyogenes (streptocoque β-hémolytique du groupe A), demeure une préoccupation de santé publique malgré son caractère généralement bénin. Touchant principalement les enfants de 5 à 10 ans, elle se manifeste par une triade symptomatique associant fièvre, angine érythémateuse et éruption cutanée caractéristique. Son incidence saisonnière hivernale et printanière, couplée à une contagiosité élevée, en fait un enjeu majeur en collectivité. Ce rapport synthétise les données actuelles sur sa microbiologie, sa clinique, ses complications potentielles et les stratégies thérapeutiques, en s'appuyant sur les recommandations françaises et internationales.
Microbiologie et Pathogénèse
Caractéristiques de Streptococcus pyogenes
Streptococcus pyogenes est un cocci Gram positif, capsulé, se développant sur milieux enrichis en sang avec hémolyse β complète. Son identification repose sur l'antigène de groupe A de Lancefield et la production de pyrrolidonyl arylamidase. Les facteurs de virulence incluent la protéine M, inhibant la phagocytose, et des toxines comme les exotoxines pyrogènes responsables de l’éruption scarlatiniforme. La capsule d'acide hyaluronique facilite l'adhésion aux tissus de l'hôte, tandis que les streptokinases et hyaluronidases participent à la dissémination locale.
Mécanismes de l'Éruption Scarlatiniforme
L'érythème cutané résulte de la libération d'exotoxines pyrogènes (SpeA, SpeC), provoquant une vasodilatation périphérique et une réaction inflammatoire dermique. La desquamation ultérieure, observée 7 à 10 jours après l'éruption, correspond à la régénération épidermique post-inflammatoire. Contrairement à d'autres exanthèmes, l'épargne péribuccale (signe de Filatov) et l'énanthème lingual (« langue framboisée ») sont pathognomoniques.
Épidémiologie et Dynamique de Transmission
Distribution Géographique et Tendances Temporelles
En France, bien qu'aucun système de surveillance dédié n'existe, les données hospitalières et les signalements en collectivité suggèrent une incidence annuelle stable, avec des pics épidémiques hivernaux. Récemment, plusieurs pays européens, dont le Royaume-Uni et les Émirats Arabes Unis, ont rapporté des augmentations atypiques des cas, potentiellement liées à des modifications des souches circulantes ou à une baisse de l'immunité collective post-pandémique.
Modes de Contagion
La transmission s'effectue principalement par voie aérienne via les gouttelettes de sécrétions oro-pharyngées ou par contact direct avec des lésions cutanées infectées. La période de contagiosité débute 24 heures avant l'apparition des symptômes et persiste jusqu'à 48 heures après le début d'une antibiothérapie efficace. En milieu scolaire, la promiscuité favorise les clusters, nécessitant des mesures d'éviction strictes.
Présentation Clinique et Diagnostic Différentiel
Tableau Typique
Après une incubation de 1 à 4 jours, la phase invasive débute par une fièvre élevée (>39°C), une odynophagie intense et un énanthème pharyngé. L'éruption apparaît dans les 24 à 48 heures, sous forme de maculopapules érythémateuses confluentes, débutant aux plis de flexion puis généralisées, accompagnées d'un prurit variable. La langue, initialement enduite d'un enduit blanchâtre, devient framboisée à J3-J4.
Formes Atypiques et Populations à Risque
Chez le nourrisson, la scarlatine peut se limiter à une fièvre isolée avec irritabilité, retardant le diagnostic. Les adultes, bien que moins touchés, présentent parfois des tableaux sévères avec complications systémiques. Les immunodéprimés et les femmes enceintes constituent des populations vulnérables, justifiant une vigilance accrue.
Diagnostic Différentiel
Plusieurs pathologies partagent des similitudes avec la scarlatine :
- La rougeole : Éruption rétro-auriculaire ascendante, présence de taches de Koplik et conjonctivite.
- La maladie de Kawasaki : Fièvre prolongée, chéilite, lymphadénopathie cervicale et atteinte coronarienne.
- Les toxidermies : Contextes médicamenteux, absence de syndrome infectieux.
La distinction repose sur l'anamnèse, l'examen clinique et les tests microbiologiques.
Approche Diagnostique
Tests Rapides d'Orientation Diagnostique (TROD)
Recommandés devant toute angine fébrile, les TROD streptococciques détectent l'antigène de groupe A avec une sensibilité de 90-95%. Leur utilisation en médecine de ville permet une instauration rapide du traitement, réduisant la contagiosité et les complications.
Examens Complémentaires
En cas de doute diagnostique ou de forme compliquée, des prélèvements pharyngés pour culture bactérienne ou PCR spécifique sont indiqués. La sérologie (ASLO) trouve sa place dans le diagnostic rétrospectif des complications post-streptococciques.
Prise en Charge Thérapeutique
Antibiothérapie de Première Intention
La pénicilline V (phénoxyméthylpénicilline) reste le traitement de référence, administrée à raison de 50 000 UI/kg/jour en 4 prises pendant 10 jours. En cas d'allergie, les macrolides (azithromycine) ou les céphalosporines de 2e génération (céfuroxime) constituent des alternatives, sous réserve des résistances locales.
Mesures Adjuvantes
Le traitement symptomatique inclut :
- Antipyrétiques (paracétamol) pour la fièvre et les myalgies.
- Hydratation orale abondante pour prévenir la déshydratation.
- Soins locaux (bains de bouche antiseptiques) pour l'odynophagie.
L'utilisation d'AINS est déconseillée en raison du risque théorique de favoriser les complications invasives.
Complications et Suivi
Complications Précoces
Non traitée, la scarlatine expose à :
- Suppurations locorégionales : Otites, sinusites, abcès péri-amygdaliens.
- Syndromes toxiniques : Choc streptococcique, fasciite nécrosante, mortalité estimée à 10-15% dans les formes invasives.
Complications Tardives
Les manifestations post-streptococciques à médiation immune surviennent 1 à 6 semaines après l'infection :
- Rhumatisme articulaire aigu : Atteinte cardiaque (pancardite), arthropathies migratrices.
- Glomérulonéphrite aiguë : Hématurie, hypertension artérielle, insuffisance rénale transitoire.
Stratégies de Surveillance
Un suivi clinique à J3 et J10 permet de vérifier l'apyrexie, la régression de l'éruption et l'absence de complications. Les contrôles urinaires (bandelette réactive) sont proposés à distance pour dépister une glomérulonéphrite.
Prévention et Contrôle Épidémique
Mesures Hygieno-Diététiques
- Lavage des mains régulier à l'eau savonneuse ou au gel hydroalcoolique.
- Éviction scolaire pendant 48 heures après début des antibiotiques.
- Désinfection des surfaces et jouets en collectivité.
Prophylaxie des Sujets Contacts
En cas de cluster, une antibioprophylaxie par pénicilline ou azithromycine peut être discutée pour les sujets à risque (immunodéprimés, femmes enceintes). À ce jour, aucun vaccin n'est commercialisé contre S. pyogenes, bien que plusieurs candidats ciblant la protéine M soient en développement préclinique.
Perspectives de Recherche
Les récentes flambées en Europe soulignent la nécessité de renforcer la surveillance microbiologique pour détecter l'émergence de souches hypervirulentes ou résistantes. Parallèlement, les avancées en génomique bactérienne ouvrent la voie à des stratégies vaccinales personnalisées, visant les sérotypes prédominants. En clinique, l'optimisation des algorithmes diagnostiques intégrant les TROD et les marqueurs inflammatoires pourrait réduire le surdiagnostic et l'usage inadéquat d'antibiotiques.
Conclusion
La scarlatine, bien que souvent bénigne, requiert une vigilance clinique et microbiologique accrue face à son potentiel épidémique et ses complications graves. L'adoption systématique des TROD, associée à une antibiothérapie précoce et bien conduite, constitue le pilier de sa prise en charge. Dans un contexte de résistance émergente aux macrolides et de fluctuations épidémiologiques, une collaboration internationale renforcée s'impose pour harmoniser les stratégies préventives et thérapeutiques.
