- L’eczéma est une dermatoses inflammatoire polymorphe (atopique, de contact, dysidrose, nummulaire) caractérisée par érythème, vésicules, prurit et lichénification selon le type.
- Il résulte d’une interaction entre anomalies de la barrière cutanée (mutations de la filaggrine), hyperréactivité immunitaire Th2, facteurs environnementaux (allergènes, irritants, stress, microbiote).
- Le diagnostic repose sur l’examen clinique et l’historique, avec parfois des tests épicutanés pour identifier allergènes et orienter les mesures d’éviction.
- La prise en charge associe traitements topiques (corticoïdes, inhibiteurs de la calcineurine, émollients), options systémiques (immunosuppresseurs, biothérapies anti-IL, inhibiteurs de JAK) et photothérapie UVB à bande étroite.
- La prévention et le suivi incluent l’application régulière d’émollients, l’éviction des déclencheurs identifiés, l’éducation thérapeutique et la consultation d’un professionnel de santé pour adapter les soins.
Pathogénie et étiologie : décryptage des mécanismes sous-jacents
Altérations de la barrière cutanée : un élément central
La physiopathologie de l'eczéma s'articule autour d'une triade interactionnelle entre anomalies de la barrière épidermique, dysrégulations immunitaires et facteurs environnementaux. La mutation du gène codant la filaggrine, protéine clé dans la différenciation des cornéocytes, représente le principal déterminant génétique identifié à ce jour. Cette déficience entraîne une perméabilité accrue aux allergènes, favorisant la pénétration d'antigènes et l'activation des lymphocytes T auxiliaires de type 2 (Th2).
Immunopathologie : de l'hyperréactivité à la chronicité
La réponse immunitaire innée et adaptative participe activement au cercle vicieux inflammatoire. Les cellules de Langerhans cutanées présentent une affinité accrue pour les IgE, facilitant la reconnaissance des allergènes. La libération d'interleukines (IL-4, IL-13, IL-31) par les lymphocytes Th2 active les kératinocytes et les neurones sensoriels, expliquant les démangeaisons caractéristiques. Les formes chroniques s'accompagnent d'un remodelage tissulaire médié par les TGF-β et les métalloprotéinases matricielles.
Facteurs déclenchants : une interaction homme-environnement
Les études épidémiologiques identifient plusieurs classes de déclencheurs :
- Allergènes de contact : nickel (bijoux), chrome (cuir), parfums (cosmétiques)
- Irritants physico-chimiques : détergents, solvants, variations hygrométriques
- Facteurs psychosociaux : stress aigu via modulation de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien
- Microbiote cutané : colonisation par Staphylococcus aureus producteur de superantigènes
Expression clinique : du nourrisson au sujet âgé
Sémiologie élémentaire et variants morphologiques
La triade symptomatique classique associe érythème, vésiculation et prurit, avec des variations phénotypiques selon les sous-types :
- Dermatite atopique : lichénification des plis de flexion, périfollliculite du cuir chevelu
- Eczéma de contact : lésions circonscrites au site d'exposition, réaction retardée de type IV
- Dysidrose : vésicules palmoplantaires profondes, souvent associées à une hyperhidrose
- Eczéma nummulaire : plaques circonscrites en pièces de monnaie, prédominant aux membres
Complications et comorbidités
L'évolution chronique expose à des complications spécifiques :
- Surinfections bactériennes : impétiginisation à S. aureus (90 % des lésions suintantes)
- Eczéma herpétiforme : dissémination virale avec risque de kératoconjonctivite
- Retentissement psychosocial : troubles anxiodépressifs (40 % des adultes), stigmatisation sociale
Les données françaises indiquent une association fréquente avec d'autres pathologies atopiques : asthme (30-50 %), rhinite allergique (35 %), allergies alimentaires (15 %).
Stratégies thérapeutiques : des topiques aux biothérapies
Traitements locaux : fondement de la prise en charge
Les dermocorticoïdes restent la pierre angulaire du traitement, avec une hiérarchisation selon l'indice de Stoughton :
- Classe I (très forte activité) : réservés aux poussées sévères (ex. clobétasol)
- Classe II-IV : utilisation courante selon la localisation et l'âge
Les inhibiteurs de la calcineurine (tacrolimus, pimécrolimus) offrent une alternative pour les zones à peau fine (paupières) et les traitements prolongés. Les émollients, essentiels en traitement de fond, restaurent la fonction barrière via des agents filmogènes (pétrolatum) et humectants (urée).
Traitements systémiques : indications et modalités
Les immunosuppresseurs (ciclosporine, méthotrexate) sont réservés aux formes réfractaires, avec un suivi rapproché des paramètres hématologiques et rénaux. Les biothérapies ciblant les interleukines (dupilumab, tralokinumab) révolutionnent la prise en charge des formes sévères, avec des taux de réponse de 70 % à 16 semaines. Les inhibiteurs de JAK (baricitinib, upadacitinib) montrent une efficacité rapide sur le prurit mais nécessitent une surveillance cardiométabolique.
Approches complémentaires et préventives
La photothérapie UVB à bande étroite (311 nm) réduit l'infiltrat inflammatoire via l'apoptose des lymphocytes T, avec un protocole standard de 3 séances hebdomadaires pendant 12 semaines. Les mesures d'éviction allergénique, guidées par les tests épicutanés, permettent de réduire jusqu'à 60 % des rechutes dans l'eczéma de contact. Les programmes éducatifs structurés (ateliers de toilette, gestion du grattage) améliorent l'observance thérapeutique et la qualité de vie.
Perspectives et défis futurs
Les recherches en cours explorent plusieurs axes prometteurs :
- Thérapies microbiomiques : transplantation de Roseomonas mucosa pour restaurer l'écosystème cutané
- Nanoformulations : libération ciblée de principes actifs via des vecteurs lipidiques
- Biomarqueurs prédictifs : profils cytokine sanguins pour personnaliser les traitements biologiques
La journée nationale de l'eczéma, organisée chaque année depuis 2015, joue un rôle clé dans la déstigmatisation de la maladie et la diffusion des innovations thérapeutiques.
Cette analyse exhaustive souligne la nécessité d'une approche holistique intégrant avancées scientifiques et dimensions psychosociales. Les recommandations actuelles privilégient des algorithms décisionnels dynamiques, adaptés au phénotype clinique et au retentissement fonctionnel, avec un accent croissant sur les thérapies personnalisées. La collaboration multidisciplinaire (dermatologues, allergologues, psychologues) apparaît essentielle pour optimiser la prise en charge globale des patients.
