- L’hépatite E, due au VHE, cause environ 19,5 M d’infections/an, souvent asymptomatique mais pouvant être fulminante chez la femme enceinte et l’immunodéprimé.
- Transmission : génotypes 1/2 par l’eau contaminée en zones à faible assainissement; génotypes 3/4 via viande de porc et gibier mal cuits dans les pays industrialisés.
- Symptômes aigus : ictère, asthénie, troubles digestifs; manifestations extra-hépatiques (neuropathies, glomérulonéphrites) chez 15 % ; diagnostic par sérologie (IgM/IgG) et PCR ARN.
- Traitement : ribavirine pour formes sévères et chroniques (éradication virale dans 75 % des transplantés en 3 mois); prise en charge supportive pour les cas bénins.
- Prévention : accès à l’eau potable et assainissement, cuisson à cœur (> 70 °C) des abats, dépistage sanguin des dons et vaccin HEV 239 (Hecolin®) en Chine.
L’hépatite E, causée par le virus de l’hépatite E (VHE), représente un problème de santé publique majeur, avec une incidence annuelle estimée à 19,47 millions de cas aigus et 3 450 décès en 2021. Bien que souvent asymptomatique, cette infection peut évoluer vers des formes fulminantes, en particulier chez les femmes enceintes et les patients immunodéprimés. Les modes de transmission varient selon les génotypes : les génotypes 1 et 2, endémiques dans les régions à faible assainissement, se propagent par l’eau contaminée, tandis que les génotypes 3 et 4, zoonotiques, sont associés à la consommation de viande insuffisamment cuite dans les pays industrialisés. La France, par exemple, recense plus de 60 000 infections annuelles, dont 3 000 symptomatiques, principalement liées à des produits porcins. Bien qu’aucun traitement spécifique ne soit homologué, la ribavirine montre une efficacité prometteuse dans les cas chroniques et graves. La prévention repose sur l’amélioration de l’hygiène hydrique et alimentaire, tandis qu’un vaccin, disponible en Chine, suscite des espoirs pour les zones endémiques.
Épidémiologie Globale et Régionale
Répartition Géographique des Génotypes
Le VHE se compose de quatre génotypes majeurs aux profils épidémiologiques distincts. Les génotypes 1 et 2 circulent principalement en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est, où ils provoquent des épidémies hydriques massives. En 2024, l’OMS a coordonné des réponses d’urgence au Tchad et en Centrafrique, soulignant le lien entre conflits, déplacements de populations et risques épidémiques. À l’inverse, les génotypes 3 et 4, prédominants en Europe et en Amérique du Nord, sont transmis par voie zoonotique, avec des réservoirs animaux comme les porcs et les sangliers. En France, 98 % des cas autochtones sont attribués au génotype 3, avec une séroprévalence atteignant 86,4 % dans le Sud-Ouest.
Charge Morbidité-Mortalité
L’hépatite E est responsable de 5,4 % des années de vie ajustées sur l’incapacité (DALYs) liées aux hépatites aiguës. Si le taux de létalité global est de 0,5 à 4 %, il grimpe à 25 % chez les femmes enceintes infectées par les génotypes 1 ou 2. Dans les pays industrialisés, les formes fulminantes surviennent principalement chez les patients cirrhotiques, avec une mortalité de 3 à 10 %. Par ailleurs, 50 à 55 % des patients immunodéprimés développent des infections chroniques, progressant vers la fibrose hépatique en l’absence de traitement.
Mécanismes de Transmission et Facteurs de Risque
Voies de Contamination
La transmission féco-orale via l’eau contaminée reste la voie dominante pour les génotypes 1 et 2, expliquant les épidémies dans les camps de réfugiés ou les zones dépourvues d’infrastructures sanitaires. En revanche, les génotypes 3 et 4 se propagent par la consommation de produits carnés crus ou mal cuits. En France, les figatelli (saucisses de foie porcin cru) et la fressure de sanglier sont incriminés dans 65 % des éclosions. Une étude a détecté l’ARN viral dans 4 % des foies porcins commercialisés, confirmant le rôle central de la filière agroalimentaire.
Populations Vulnérables
Outre les femmes enceintes et les immunodéprimés, les chasseurs, éleveurs et travailleurs d’abattoirs présentent un risque accru d’exposition professionnelle. Les voyageurs vers les zones endémiques constituent un autre groupe à risque, bien que les cas importés représentent moins de 10 % des diagnostics en Europe.
Manifestations Cliniques et Diagnostic
Spectre des Présentations
Plus de 70 % des infections sont asymptomatiques, particularly chez les enfants. Lorsqu’elles se déclarent, les formes aiguës associent ictère, asthénie et troubles digestifs, mimant l’hépatite A. Des manifestations extra-hépatiques surviennent dans 15 % des cas : neuropathies périphériques, glomérulonéphrites et pancréatites ont été documentées. Les formes fulminantes, caractérisées par une nécrose hépatique massive, nécessitent une transplantation en urgence dans 1 à 2 cas annuels en France.
Outils Diagnostiques
Le diagnostic repose sur la sérologie (IgM et IgG anti-VHE) et la PCR pour détecter l’ARN viral. Les tests modernes, comme le Wantai HEV-IgM ELISA, offrent une sensibilité de 98 %, réduisant les faux négatifs. En contexte d’immunodépression, la PCR sanguine est indispensable, les anticorps pouvant être absents.
Prise en Charge Thérapeutique
Prise en Charge des Formes Aiguës
La majorité des cas aigus guérissent spontanément en 3 à 6 semaines. Cependant, la ribavirine est envisagée pour les formes sévères ou survenant sur foie cirrhotique. Une étude française rapporte une normalisation des transaminases en 4 semaines sous ribavirine, même chez les patients insuffisants rénaux. Le schéma posologique optimal reste à définir, mais une dose ajustée à la fonction rénale (200-400 mg/j) semble efficace.
Traitement des Infections Chroniques
Chez les transplantés d’organe, un traitement de 3 mois par ribavirine permet l’éradication virale dans 75 % des cas. L’arrêt précoce du traitement expose à un risque de rechute de 20 %, nécessitant un suivi virologique prolongé. En cas de contre-indication à la ribavirine, la réduction de l’immunosuppression peut être une alternative, bien que moins efficace.
Stratégies de Prévention
Mesures Hygienico-Alimentaires
Dans les pays endémiques, l’accès à l’eau potable et l’assainissement constituent des priorités. L’OMS recommande la chloration des eaux et l’éducation aux pratiques d’hygiène lors des épidémies. En zone non endémique, la cuisson à cœur (>70°C) des abats porcins et venaison est préconisée. L’Anses déconseille leur consommation aux populations à risque, même cuits.
Vaccination
Le vaccin HEV 239 (Hecolin®), autorisé en Chine depuis 2012, montre une efficacité de 100 % à 4,5 ans. Son utilisation en prophylaxie pré-exposition pour les voyageurs et en réponse épidémique est à l’étude. Cependant, son coût et la méconnaissance des décideurs freinent son déploiement.
Conclusion et Perspectives
L’hépatite E, longtemps négligée, émerge comme une pathologie aux visages multiples, liée à des enjeux globaux tels que les crises humanitaires et les zoonoses. Alors que la ribavirine offre une lueur d’espoir thérapeutique, son accessibilité dans les pays pauvres reste limitée. La généralisation des tests NAT dans les dons sanguins, déjà mise en œuvre en France, pourrait réduire le risque de transmission iatrogène. En parallèle, l’intégration du vaccin HEV 239 dans les programmes de l’OMS représenterait une avancée majeure pour les populations endémiques. La collaboration internationale, via des réseaux de surveillance harmonisés, est essentielle pour atteindre l’objectif d’élimination des hépatites virales d’ici 2030.
