- L’hépatite B est une infection virale du foie, souvent asymptomatique, touchant 0,65 % des adultes en France et 296 millions de personnes en infection chronique dans le monde.
- La phase aiguë peut provoquer ictère, asthénie et élévation marquée des transaminases, tandis que la chronicité silencieuse conduit, après 20–30 ans, à la cirrhose et au carcinome hépatocellulaire dans 15–40 % des cas.
- Le virus se transmet principalement par voie périnatale (90 % des infections chroniques), sexuelle (35 % des cas aigus) et sanguine (usagers de drogues injectables, matériel non stérile).
- Le traitement repose sur l’interféron pégylé et les analogues nucléos(t)idiques (entécavir, ténofovir) pour supprimer la réplication virale, guidé par la charge virale VHB et l’évaluation de la fibrose (FibroScan®).
- La prévention s’appuie sur la vaccination universelle (85 % de couverture à 24 mois en France), le dépistage ciblé des populations à risque et le développement de formulations adjuvées pour atteindre l’élimination du VHB d’ici 2030.
L'hépatite B constitue une infection virale majeure affectant le foie, dont l'impact sanitaire demeure sous-estimé malgré des mécanismes de prévention efficaces. En France, cette maladie virale (hépatite) touche environ 0,65 % de la population adulte, avec 1 500 décès annuels liés à ses complications hépatiques. À l'échelle mondiale, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 296 millions de personnes vivaient avec une infection chronique en 2019, soulignant l'urgence d'une réponse coordonnée. La particularité de ce pathogène réside dans sa double capacité à provoquer des infections aiguës souvent asymptomatiques et des formes chroniques insidieuses, évoluant vers la cirrhose ou le carcinome hépatocellulaire dans 25 % des cas. Bien qu'un vaccin sûr et efficace existe depuis 1982, les couvertures vaccinales stagnent autour de 50 % chez les nourrissons et adolescents français, révélant des défis persistants en matière d'adhésion aux recommandations sanitaires.
Épidémiologie et dynamique de transmission
Situation épidémiologique en France
La France se classe parmi les pays de faible endémicité pour l'hépatite B, avec une prévalence de l'antigène HBs (Ag HBs) estimée à 0,65 % dans la population générale. Cependant, cette moyenne masque des disparités importantes : les populations originaires de zones à haute endémicité (Afrique subsaharienne, Asie du Sud-Est) présentent des taux d'infection jusqu'à dix fois supérieurs. L'incidence annuelle des hépatites aiguës symptomatiques s'élève à 1 cas pour 100 000 habitants, tandis que les infections asymptomatiques atteignent 4,1/100 000. Ces données soulignent l'importance cruciale du dépistage ciblé, d'autant que plus de la moitié des porteurs chroniques ignorent leur statut sérologique.
Mécanismes de transmission
Le virus de l'hépatite B (VHB) se transmet principalement par exposition à des liquides biologiques infectés. Trois voies prédominent :
- Transmission périnatale : Responsable de 90 % des infections chroniques lorsqu'elle survient lors de l'accouchement. La France a instauré une vaccination obligatoire dès la naissance pour les nourrissons de mères Ag HBs positives.
- Transmission sexuelle : Représente 35 % des cas notifiés d'hépatites aiguës B, avec un risque accru lors de rapports non protégés ou en présence d'infections sexuellement transmissibles concomitantes.
- Exposition sanguine : Prépondérante chez les usagers de drogues injectables et les professionnels de santé, bien que les mesures de sécurité transfusionnelle aient drastiquement réduit ce risque depuis les années 1990.
Un cas clinique emblématique illustre les modes de transmission atypiques : en 2008, quatre patientes ont contracté le VHB suite à des séances d'acupuncture réalisées avec du matériel non stérile, démontrant la persistance de risques iatrogènes dans certains contextes de soins.
Manifestations cliniques et évolution naturelle
Phase aiguë : Un tableau polymorphe
L'infection aiguë se déclare après une période d'incubation de 30 à 180 jours. Seulement 30 % des adultes immunocompétents développent des symptômes caractéristiques incluant ictère (71 %), asthénie marquée (89 %), et élévation majeure des transaminases (jusqu'à 100 fois la norme). Les formes fulminantes, bien que rares (0,1 % à 0,6 % des cas), nécessitent une transplantation hépatique en urgence dans 44 % des situations.
Chronicité : Une bombe à retardement hépatique
Le risque de chronicisation dépend étroitement de l'âge lors de la primo-infection : 90 % avant 1 an contre moins de 5 % après 5 ans. Cette évolution silencieuse se caractérise par une réplication virale persistante, conduisant à une fibrose hépatique progressive. Après 20 à 30 ans d'infection, 15 à 40 % des patients développent une cirrhose, avec un risque annuel de 2 à 5 % de carcinome hépatocellulaire. La surinfection par le virus delta (VHD), présente chez 4 % des porteurs chroniques, aggrave considérablement le pronostic avec une évolution cirrhotique accélérée.
Stratégies diagnostiques et suivi
Approche sérologique
Le diagnostic repose sur un panel sérologique combinant trois marqueurs essentiels :
- Antigène HBs : Marqueur de l'infection active
- Ac anti-HBc : Témoin d'une infection passée ou présente
- Ac anti-HBs : Indicateur d'immunité vaccinale ou post-infectieuse
La quantification de l'ADN viral (charge virale VHB) guide la prise en charge thérapeutique, avec des seuils décisionnels variant selon le statut HBe. Pour les formes chroniques, l'élastométrie hépatique (FibroScan®) s'impose comme méthode non invasive de référence pour évaluer la fibrose.
Dépistage ciblé : Une nécessité sous-optimisée
Malgré les recommandations françaises visant les populations à risque (migrants, partenaires sexuels multiples, usagers de drogues), une étude récente révèle que 62 % des diagnostics surviennent à un stade avancé de fibrose. Ce retard diagnostique souligne l'impérieuse nécessité de renforcer les campagnes de dépistage communautaire, particulièrement dans les zones de forte prévalence.
Prise en charge thérapeutique : Entre contrôle virologique et eradication
Options pharmacologiques
L'arsenal thérapeutique actuel comprend deux classes majeures :
- Interféron pégylé alpha : Réserve d'action immunomodulatrice, induisant une réponse virologique soutenue chez 30 % des patients HBeAg positifs
- Analogues nucléos(t)idiques (Entécavir, Ténofovir) : Inhibiteurs de polymérase permettant une suppression virale chez >95 % des patients, avec un profil de tolérance excellent
L'émergence du bulevirtide, premier antiviral ciblant spécifiquement le VHD, ouvre des perspectives prometteuses pour les co-infections VHB/VHD, avec des taux de réponse virologique atteignant 48 % à 96 semaines dans les essais de phase 3.
Stratification du risque et approche personnalisée
Les dernières recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) insistent sur l'importance d'une évaluation globale combinant :
- Charge virale VHB
- Statut HBe
- Degré de fibrose hépatique
- Antécédents familiaux de carcinome hépatocellulaire
Cette approche permet de distinguer les patients nécessitant un traitement immédiat (cirrhose compensée, fibrose significative) de ceux relevant d'une simple surveillance rapprochée.
Prévention : Le vaccin comme pierre angulaire
Programme vaccinal français : Bilan et perspectives
Depuis l'introduction de la vaccination obligatoire pour les nourrissons en 2018, la couverture vaccinale atteint 85 % à 24 mois. Cependant, des lacunes persistent chez les adolescents et les adultes à risque, avec seulement 48 % des 16-25 ans complètement immunisés. Le Plan national hépatites 2009-2012 a permis de restaurer la confiance post-crise de 1998, mais des efforts supplémentaires s'imposent pour atteindre les objectifs de l'OMS visant l'élimination du VHB d'ici 2030.
Innovations en vaccinologie
Les vaccins actuels, à base d'antigène HBs recombinant, induisent une protection supérieure à 95 % chez l'adulte jeune. Face aux non-répondeurs (5 % de la population), de nouvelles formulations adjuvées (Heplisav-B®) montrent des taux de séroconversion atteignant 90 à 100 % après deux doses.
Défis futurs et axes de recherche
L'éradication du VHB nécessite de combler trois gaps majeurs :
- Développement de thérapies curatives ciblant le cccDNA viral
- Amélioration de l'accès au dépistage par des tests rapides validés
- Intégration des programmes de vaccination dans les stratégies de santé mondiale
Les approches immunothérapeutiques (inhibiteurs de checkpoints, vaccins thérapeutiques) et les techniques d'édition génomique (CRISPR-Cas9) font actuellement l'objet d'essais précliniques prometteurs, laissant entrevoir une possible guérison fonctionnelle dans la prochaine décennie.
Conclusion
La lutte contre l'hépatite B demeure un enjeu de santé publique nécessitant une approche multidisciplinaire intégrant prévention primaire, dépistage ciblé et prise en charge personnalisée. Alors que la vaccination pédiatrique universelle a démontré son impact sur l'incidence des formes aiguës, le défi principal réside désormais dans la détection et le traitement précoces des infections chroniques. Les récentes avancées thérapeutiques, couplées à une meilleure compréhension des mécanismes de persistance virale, ouvrent la voie à une gestion optimisée de cette pandémie silencieuse. La mobilisation coordonnée des acteurs sanitaires, des chercheurs et des associations de patients apparaît essentielle pour atteindre les objectifs d'élimination fixés par l'OMS.
