Hépatite D : Comprendre, dépister et traiter l'infection

Publié le 01/02/2025
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  1. L’hépatite D est une infection virale défective due au VHD, nécessitant la présence du VHB, et associée à un risque élevé de cirrhose, d’insuffisance hépatique et de carcinome hépatocellulaire.
  2. La transmission se fait par voie sanguine et sexuelle, affectant particulièrement les usagers de drogues injectables, les patients en hémodialyse et les populations migrantes originaires de zones d’endémie.
  3. Cliniquement, l’infection aiguë présente fièvre, asthénie et ictère avec des ALT souvent > 1 000 UI/L, tandis que la surinfection conduit à une chronicité dans 90 % des cas et augmente le risque d’hépatite fulminante.
  4. Le diagnostic repose sur la détection sérologique des anticorps anti-VHD (IgM/IgG) et la RT-PCR de l’ARN viral, complétés par l’élastographie ou la biopsie pour évaluer la fibrose hépatique.
  5. La prévention s’appuie sur la vaccination anti-VHB universelle et les mesures d’hygiène, tandis que la prise en charge inclut désormais le bulevirtide, seul ou en association avec le peginterféron, et des antiviraux en développement.

L'hépatite D, causée par le virus de l'hépatite Delta (VHD), représente une entité clinique distincte parmi les hépatites virales en raison de sa dépendance obligatoire au virus de l'hépatite B (VHB). Cette co-infection ou surinfection entraîne une pathologie hépatique accélérée, avec un risque élevé de cirrhose, d’insuffisance hépatique et de carcinome hépatocellulaire. Malgré une prévalence mondiale modeste (affectant environ 5 % des porteurs chroniques du VHB), son impact clinique est disproportionné, nécessitant une attention particulière en santé publique et en recherche thérapeutique. Les avancées récentes, notamment l’approbation du bulevirtide en Europe, redéfinissent les perspectives de prise en charge, bien que des défis persistent en matière de dépistage et d’accès aux traitements innovants.

Hépatite D : Une Infection Virale Complexe et Sévère

L'hépatite D, causée par le virus de l'hépatite Delta (VHD), représente une entité clinique distincte parmi les hépatites virales en raison de sa dépendance obligatoire au virus de l'hépatite B (VHB). Cette co-infection ou surinfection entraîne une pathologie hépatique accélérée, avec un risque élevé de cirrhose, d’insuffisance hépatique et de carcinome hépatocellulaire. Malgré une prévalence mondiale modeste (affectant environ 5 % des porteurs chroniques du VHB), son impact clinique est disproportionné, nécessitant une attention particulière en santé publique et en recherche thérapeutique. Les avancées récentes, notamment l’approbation du bulevirtide en Europe, redéfinissent les perspectives de prise en charge, bien que des défis persistent en matière de dépistage et d’accès aux traitements innovants.

Virologie et Mécanismes Pathogènes

Structure et Cycle Viral du VHD

Le VHD est un virus à ARN circulaire de polarité négative, classé dans le genre Deltavirus. Son génome, d’environ 1 700 nucléotides, code pour une unique protéine structurale, l’antigène Delta (HDAg), existant sous deux isoformes : petite (S-HDAg) et grande (L-HDAg). La S-HDAg est essentielle à la réplication, tandis que la L-HDAg, issue d’un processus d’édition post-transcriptionnelle, régule l’encapsidation et l’export des virions.

Le VHD est un virus défectif, dépendant des protéines d’enveloppe du VHB (HBsAg) pour son entrée dans les hépatocytes via le récepteur NTCP (sodium taurocholate cotransporting polypeptide) et pour la formation de particules virales infectieuses. Cette symbiose virale explique l’impossibilité d’une infection par le VHD en l’absence du VHB.

Dynamique de Réplication et Persistance

La réplication du VHD survient dans le noyau des hépatocytes, utilisant l’ARN polymérase II de l’hôte selon un mécanisme de cercle roulant. Contrairement au VHB, le VHD peut persister lors de la régénération hépatique via la transmission de l’ARN viral lors de la division cellulaire, même en l’absence de VHB actif. Cette particularité contribue à la chronicité de l’infection et à la résistance aux traitements ciblant uniquement le VHB.

Épidémiologie et Facteurs de Risque

Distribution Géographique

L’OMS estime que 12 millions de personnes sont co-infectées par le VHB et le VHD à l’échelle mondiale, avec des foyers de haute endémicité en Mongolie, en République de Moldova, et en Afrique de l’Ouest et centrale. En France, la prévalence des anticorps anti-VHD parmi les porteurs chroniques du VHB est d’environ 4 %, principalement chez les populations migrantes originaires de zones d’endémie.

Populations Vulnérables

Les groupes à risque incluent les usagers de drogues injectables, les personnes sous hémodialyse, et les communautés autochtones. Une étude française récente souligne également une surreprésentation des co-infections VHD/VIH ou VHD/VHC, aggravant le pronostic hépatique.

Manifestations Cliniques et Évolution

Formes Aiguës et Chroniques

L’infection aiguë par le VHD se manifeste par des symptômes non spécifiques (fièvre, asthénie, ictère), avec des taux sériques d’ALT souvent supérieurs à 1 000 UI/L. La co-infection VHB/VHD aiguë évolue généralement vers la guérison (98 % des cas), tandis que la surinfection chez un porteur chronique du VHB conduit à une hépatite chronique dans 90 % des cas, associée à un risque accru d’hépatite fulminante (5 %).

Complications à Long Terme

La cirrhose survient chez 57 % des patients dans un délai médian de 5 ans, avec un taux de carcinome hépatocellulaire (CHC) de 15 % à 10 ans. Ces chiffres sont trois à cinq fois supérieurs à ceux observés dans la mono-infection VHB, reflétant la cytotoxicité directe du VHD et l’inflammation hépatique soutenue.

Stratégies Diagnostiques

Marqueurs Sérologiques et Moléculaires

Le diagnostic repose sur la détection des anticorps anti-VHD (IgM et IgG) et de l’ARN viral par RT-PCR. Une charge virale élevée (supérieure à 10⁵ copies/mL) est corrélée à une activité histologique sévère. La distinction entre co-infection et surinfection est cruciale : la présence d’IgM anti-HBc oriente vers une co-infection, tandis que leur absence suggère une surinfection.

Imagerie et Évaluation Histologique

L’élastographie transitoire (FibroScan) et la biopsie hépatique restent des outils clés pour évaluer la fibrose. Les recommandations de l’EASL insistent sur la nécessité d’un dépistage systématique du VHD chez tous les porteurs de l’Ag HBs, notamment dans les populations à haut risque.

Prévention : Le Rôle Central de la Vaccination Anti-VHB

Efficacité et Couverture Vaccinale

La vaccination universelle contre le VHB, introduite en France en 1991, a réduit l’incidence de l’hépatite D de 90 % chez les personnes vaccinées. Cependant, des lacunes persistent chez les adultes non vaccinés durant l’enfance, en particulier dans les populations migrantes.

Défis en Milieu Médical

Des cas de transmission nosocomiale du VHD ont été documentés, soulignant l’importance du respect des précautions standard (désinfection des surfaces, utilisation de matériel stérile). Une étude française de 2009 rappelle que les professionnels de santé non vaccinés constituent un réservoir potentiel de transmission.

Prise en Charge Thérapeutique : Innovations et Limites

Bulevirtide : Une Révolution Thérapeutique

Approuvé en Europe en 2020, le bulevirtide (Myrcludex B) inhibe l’entrée virale en bloquant le récepteur NTCP. Dans un essai de phase II, 24 semaines de traitement ont entraîné une normalisation des ALT chez 56 % des patients et une réduction de la charge virale de plus de 2 log chez 46 % des sujets. Son administration sous-cutanée quotidienne est bien tolérée, avec des effets indésirables principalement locaux (prurit, érythème).

Combinaisons Thérapeutiques

L’essai MYR 204 (2024) démontre la supériorité de l’association bulevirtide (10 mg) et peginterféron α-2a sur la monothérapie : 46 % de réponse virologique soutenue à 24 semaines post-traitement, contre 12 % avec le bulevirtide seul. Cette synergie s’explique par l’action complémentaire sur l’entrée virale et la réponse immunitaire antivirale.

Alternatives en Développement

Le lonafarnib, inhibiteur de la prénylation de la L-HDAg, montre des résultats prometteurs en phase III, avec des taux de réponse virologique de 33 à 48 % en combinaison avec le ritonavir. Cependant, son profil d’effets secondaires (troubles gastro-intestinaux, cytopénies) limite son utilisation en première ligne.

Conclusion et Perspectives

L’hépatite D reste une infection négligée malgré sa gravité, en partie en raison de la méconnaissance de sa prévalence réelle et des obstacles au dépistage. Les avancées thérapeutiques récentes, notamment les inhibiteurs d’entrée et les combinaisons interféron-basées, offrent un espoir aux patients, mais leur accessibilité (coût, disponibilité géographique) doit être améliorée. Les recommandations clés incluent :

  1. Renforcement du dépistage systématique du VHD chez tous les porteurs de l’Ag HBs, en particulier dans les régions à forte immigration.
  2. Intégration des nouveaux traitements dans les protocoles nationaux, avec un suivi à long terme des résistances virales.
  3. Campagnes de vaccination ciblées vers les populations adultes à risque dans les pays à faible couverture vaccinale.

La collaboration internationale, via des registres patients et des essais cliniques multicentriques, est essentielle pour éradiquer cette infection doublement dépendante : du VHB, mais aussi des lacunes persistantes en santé publique.

Dr. Dominique HOLCMAN
Médecin généraliste
Médecin généraliste depuis plus de 30 ans, le Dr. Holcman est partenaire et rédacteur chez Biloba. Engagé dans des actions humanitaires, il met son expertise au service de tous, avec une attention particulière portée à l'écoute, à la prévention et à l'accès aux soins.
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Bibliographie

Hépatite D : fiche d’information

Organisation mondiale de la Santé • 2023

EASL – Forum Hepatitis D 2023

European Association for the Study of the Liver • 2023

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