- Encéphalite : inflammation du parenchyme cérébral d’origine infectieuse (HSV-1/2, VZV, arbovirus…) ou immune, constituant une urgence neurologique.
- Étiologies principales : virus herpétiques, arbovirus (FSME, West Nile), encéphalites auto‐immunes (anti-NMDA, paranéoplasiques) et post‐infectieuses.
- Tableaux cliniques et diagnostic : céphalées, fièvre, altération de la conscience, crises épileptiques ; IRM cérébrale, PL (PCR HSV, pléiocytose) et recherche d’auto-anticorps.
- Stratégies thérapeutiques : acyclovir IV en urgence pour les encéphalites herpétiques, immunomodulation (corticoïdes, IVIg, rituximab) et prise en charge symptomatique (antiépileptiques, prévention des complications).
- Prévention : vaccination (encéphalite japonaise, FSME-Immun®), mesures anti-vectorielles (DEET, vêtements imprégnés) et surveillance épidémiologique renforcée.
L'encéphalite constitue une urgence neurologique caractérisée par une inflammation cérébrale d'origine infectieuse ou immune, entraînant des perturbations fonctionnelles potentiellement mortelles. Cette pathologie, dont l'incidence annuelle en France est estimée à 1,5 à 7 cas par million d'habitants, présente un spectre clinique hétérogène allant de formes subaiguës à des tableaux fulminants. Les avancées récentes en virologie moléculaire et en immunothérapie ont transformé sa prise en charge, réduisant la mortalité de 70 % à moins de 20 % pour l'encéphalite herpétique depuis l'introduction de l'acyclovir. Néanmoins, les séquelles neurocognitives persistent chez 30 à 50 % des survivants, soulignant l'enjeu crucial du diagnostic précoce.
Étiopathogénie : des mécanismes multifactoriels
Définitions et classifications nosologiques
L'encéphalite se définit comme une inflammation du parenchyme cérébral secondaire à une agression directe (infectieuse) ou indirecte (dysimmunitaire). La distinction entre encéphalites primaires (invasion virale directe) et secondaires (réaction post-infectieuse ou auto-immune) conditionne l'approche thérapeutique. Les formes paranéoplasiques, associées à des anticorps onconeuronaux, représentent 10 % des cas et nécessitent une investigation oncologique systématique.
Agents infectieux prédominants
Les virus herpes simplex (HSV-1/2) et varicelle-zona (VZV) dominent l'étiologie virale en Europe, responsables de 50 à 70 % des cas identifiés. Le HSV-1 présente un tropisme électif pour les lobes temporaux, engendrant des tableaux neuropsychiatriques caractéristiques. Les arbovirus (West Nile, encéphalite japonaise, TBEV) connaissent une expansion géographique préoccupante, avec une incidence en hausse de 400 % pour l'encéphalite à tiques en Europe centrale depuis 1990.
Mécanismes immuno-inflammatoires
Dans les encéphalites auto-immune, la production d'auto-anticorps dirigés contre des antigènes neuronaux (NMDA-R, LGI1, CASPR2) entraîne une désinhibition synaptique et une hyperexcitabilité corticale. La rupture de la barrière hémato-encéphalique permet le recrutement de lymphocytes T cytotoxiques et de macrophages, induisant un oedème vasogénique et des lésions axonales.
Sémiologie neurologique et diagnostics différentiels
Tableaux cliniques évocateurs
La triade fébrile classique associe céphalées réfractaires (80 %), altération de la conscience (65 %) et crises épileptiques focales (50 %). Les formes fronto-temporales à HSV se manifestent par des troubles du comportement, des hallucinations olfactives ou des aphasies progressives. L'encéphalite limbique auto-immune se distingue par une amnésie antérograde, des dysautonomies et des manifestations psychiatriques pseudoschizophréniques.
Signes d'alarme et critères de gravité
L'apparition brutale d'un déficit neurologique focal, d'un état de mal épileptique ou d'une décroissance du score de Glasgow impose une imagerie cérébrale urgente. La présence de mouvement anormaux (myoclonies, dyskinésies oro-faciales) oriente vers une étiologie anti-NMDA. Chez l'enfant, la bombement de la fontanelle et l'irritabilité persistante constituent des signes péjoratifs.
Approche diagnostique multidisciplinaire
Le bilan initial combine imagerie (IRM cérébrale avec séquences FLAIR et diffusion), ponction lombaire (pléiocytose lymphocytaire, index IgG) et sérologies virales. La PCR HSV dans le LCR présente une sensibilité de 98 % dès 72 heures. Les panel syndromiques (BioFire® FilmArray) réduisent le délai d'identification des pathogènes de 48 à 5 heures. Dans les formes cryptogénétiques, la recherche d'auto-anticorps onconeuronaux sur sérum et LCR est indispensable.
Stratégies thérapeutiques : entre antiviral et immunomodulation
Antiviraux de première ligne
L'acyclovir IV (10 mg/kg/8h) demeure le traitement empirique de référence, réduisant la mortalité de l'encéphalite herpétique de 70 % à 20 % lorsqu'instauré avant J3. Son mécanisme d'action, via l'inhibition compétitive de l'ADN polymérase virale, nécessite une adaptation posologique en insuffisance rénale. Le ganciclovir est réservé aux infections à CMV chez les immunodéprimés, avec un suivi hématologique strict.
Immunothérapies ciblées
Les corticoïdes à haute dose (méthylprednisolone 1 g/j) et les immunoglobulines polyvalentes (0,4 g/kg/j) constituent la pierre angulaire des encéphalites auto-immunes, avec réponse clinique dans 80 % des cas sous traitement précoce. Les anticorps monoclonaux anti-CD20 (rituximab) et anti-complément (éculizumab) émergent pour les formes réfractaires.
Prise en charge symptomatique
Le contrôle des crises épileptiques repose sur les antiépileptiques non inducteurs enzymatiques (lévétiracétam, lacosamide), évitant les interactions avec les traitements immunosuppresseurs. La prévention des complications thromboemboliques (héparine de bas poids moléculaire) et des ulcères de stress (inhibiteurs de la pompe à protons) est systématique en réanimation.
Prévention : vaccins et mesures de santé publique
Vaccination ciblée
Le vaccin inactivé contre l'encéphalite japonaise (IXIARO®) confère une protection à 96 % après deux doses, recommandé pour les expatriés en zone d'endémie. La vaccination anti-TBE (FSME-Immun®) prévient 95 % des cas d'encéphalite à tiques en Europe centrale, nécessitant un rappel trimestriel avant exposition.
Prophylaxie vectorielle
Les mesures anti-vectorielles combinées (répulsifs à base de DEET 50 %, vêtements imprégnés de perméthrine, éviction des zones humides) réduisent de 70 % le risque de piqûre de tique. La détection précoce des foyers de West Nile par surveillance aviaire active a permis de diminuer l'incidence humaine de 40 % dans le Sud-Est français.
Surveillance épidémiologique renforcée
L'inscription des encéphalites à déclaration obligatoire en 2021 a permis une cartographie précise des foyers émergents, avec signalement systématique des cas groupés d'origine alimentaire (produits laitiers crus). Les réseaux de laboratoires de référence (CNR des arbovirus) coordonnent la veille génomique des souches virales circulantes.
Perspectives de recherche et innovations thérapeutiques
L'essor des techniques de séquençage à haut débit (métagénomique) permettra d'identifier de nouveaux pathogènes émergents dans 30 % des encéphalites actuellement cryptogénétiques. Les biomarqueurs inflammatoires (CXCL10, IL-6) guideront l'adaptation précoce des immunothérapies. Enfin, les modèles organoïdes cérébraux ouvrent la voie à des tests pharmacologiques personnalisés, limitant les séquelles à long terme.
Conclusion
L'encéphalite demeure un défi diagnostique et thérapeutique majeur en neurologie aiguë. L'approche multidisciplinaire associant virologie, immunologie et neuro-réanimation a considérablement amélioré le pronostic vital, mais la prévention des séquelles neurocognitives nécessite des innovations thérapeutiques ciblées. La vaccination systématique des populations à risque et le renforcement des systèmes de surveillance vectorielle constituent des leviers essentiels pour contrôler l'émergence des arboviroses en contexte de changement climatique.
