Comprendre et prévenir la gastro-entérite à Shigelles

Publié le 01/02/2025
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  1. La shigellose est une infection intestinale à Shigella, hautement contagieuse, transmise par voie oro-fécale.
  2. Elle se manifeste par diarrhée aiguë parfois sanglante, fièvre, douleurs abdominales et peut évoluer en dysenterie.
  3. Le traitement associe une réhydratation adaptée et, selon la sévérité, des antibiotiques ciblés (ciprofloxacine, azithromycine ou ceftriaxone).
  4. La prévention repose sur une hygiène rigoureuse (lavage des mains, désinfection, cuisson des aliments, traitement de l’eau) et l’isolement des cas.
  5. L’émergence de souches multirésistantes complique la prise en charge et souligne l’importance de la surveillance et du développement vaccinal.

La shigellose, infection intestinale provoquée par les bactéries du genre Shigella, représente un enjeu majeur de santé publique en raison de sa contagiosité élevée et de l’émergence de souches multirésistantes. Principalement transmise par voie oro-fécale, cette pathologie se manifeste par des diarrhées aiguës, parfois sanglantes, accompagnées de fièvre et de douleurs abdominales. Bien que souvent bénigne chez l’adulte en bonne santé, elle peut entraîner des complications sévères chez les populations vulnérables. Face à la progression alarmante de résistances aux antibiotiques de première intention, une prise en charge adaptée et des stratégies préventives rigoureuses s’imposent.

Étiologie et caractéristiques microbiologiques

Les espèces pathogènes de Shigella

Le genre Shigella comprend quatre espèces principales : S. dysenteriae, S. flexneri, S. boydii et S. sonnei, classées selon leurs propriétés biochimiques et antigéniques. S. sonnei et S. flexneri dominent les cas humains, représentant respectivement 48% et 40% des isolats en Europe. Ces bactéries gram-négatives possèdent un pouvoir pathogène élevé, avec une dose infectieuse minimale de 10 à 100 organismes, expliquant leur potentiel épidémique dans les collectivités.

Mécanismes de pathogénicité

Shigella envahit les cellules épithéliales du côlon via un système de sécrétion de type III, induisant une réponse inflammatoire intense responsable de lésions muqueuses. Cette invasion déclenche la formation de micro-abcès et la libération de cytokines pro-inflammatoires, conduisant à la destruction tissulaire et aux symptômes caractéristiques. La production de toxines, comme la shigatoxine par S. dysenteriae, aggrave le tableau clinique en causant une hémolyse et une insuffisance rénale dans les cas graves.

Tableau clinique et diagnostic

Spectre des manifestations

La période d’incubation varie de 1 à 4 jours. La présentation clinique évolue d’une diarrhée aqueuse banale à une dysenterie bacillaire sévère caractérisée par :

  • Selles fréquentes (10-30/jour) contenant sang et mucus
  • Fièvre élevée (38-40°C) et syndrome toxique
  • Ténesme rectal et crampes abdominales intenses
  • Prolapsus rectal possible chez les enfants

Jusqu’à 20% des infections chez l’adulte sont asymptomatiques, favorisant la transmission silencieuse. Les complications incluent le syndrome hémolytique et urémique (SHU), des convulsions fébriles et, rarement, une bactériémie.

Approche diagnostique

Le diagnostic définitif repose sur la coproculture, bien que le rendement diminue avec le délai d’acheminement des selles. Les techniques moléculaires (PCR) gagnent en pertinence pour détecter les gènes d’invasion (ipaH). La sigmoïdoscopie révèle une colite distale avec ulcérations superficielles, mais reste rarement nécessaire.

Prise en charge thérapeutique

Mesures symptomatiques

La réhydratation orale ou intraveineuse constitue la pierre angulaire du traitement, particulièrement cruciale chez les enfants et les personnes âgées. Les antidiarrhéiques (ex. lopéramide) sont contre-indiqués car ils prolongent l’excrétion bactérienne.

Antibiothérapie : enjeux et alternatives

Bien que l’antibiothérapie réduise la durée des symptômes de 5 à 3 jours et limite la transmission, son usage doit être ciblé. Les recommandations actuelles privilégient :

  • Ciprofloxacine (500 mg ×2/j, 3 jours) en première intention chez l’adulte
  • Azithromycine (10 mg/kg/j, 3 jours) pour les enfants et les souches résistantes aux fluoroquinolones
  • Ceftriaxone (50 mg/kg/j IV) dans les formes sévères

L’émergence de souches XDR (extensively drug-resistant) complique le paysage thérapeutique. En 2022, 31,9% des S. sonnei et 40,2% des S. flexneri isolés en Europe présentaient une résistance à la ciprofloxacine. Des clones producteurs de BLSE, comme le ST152 lié à des voyages en Tunisie, montrent des résistances combinées aux céphalosporines de 3e génération et à l’azithromycine.

Dynamiques de transmission et facteurs de risque

Voies de contamination

Le réservoir strictement humain facilite la transmission interpersonnelle via :

  • Contact direct avec des mains contaminées (garderies, institutions)
  • Aliments souillés (salades, fruits de mer crus)
  • Eau récréative (piscines, lacs)
  • Rapports sexuels oro-anaux

Les épidémies en milieu fermé (IME, centres pour réfugiés) illustrent la virulence du pathogène. En 1998-1999, une épidémie dans un institut médico-éducatif français a touché 270 personnes, avec 22% de cas confirmés.

Populations vulnérables

Les enfants de 1 à 4 ans, les personnes immunodéprimées et les voyageurs en zones endémiques présentent les risques les plus élevés. Depuis 2020, une recrudescence de cas chez les HSH (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes) signe l’émergence d’une transmission sexuelle, avec des souches souvent multirésistantes.

Stratégies préventives

Mesures d’hygiène collective

  • Lavage des mains systématique après contact fécal
  • Désinfection des surfaces dans les collectivités
  • Éviction scolaire jusqu’à 2 coprocultures négatives
  • Traitement de l’eau et cuisson adéquate des aliments

Gestion des épidémies

L’investigation rapide des clusters permet d’identifier la source (alimentaire, hydrique ou humaine) et d’adapter les mesures. Lors d’une épidémie dans l’Aude en 2004, l’implication d’une source hydrique contaminée a été confirmée par typage moléculaire.

Défis liés à la résistance aux antibiotiques

Mécanismes de résistance

Les plasmides et intégrons transmettent des gènes de résistance codant :

  • β-lactamases à spectre étendu (BLSE)
  • Modifications des cibles des fluoroquinolones (mutations gyrA/parC)
  • Pompes à efflux pour l’azithromycine

Implications thérapeutiques

Face aux souches XDR, les carbapénèmes (ex. méropénème) deviennent parfois indispensables, nécessitant une supervision spécialisée. La surveillance active par le CNR des E. coli et Shigella permet d’adapter les recommandations nationales.

Conclusion

La shigellose demeure un défi complexe où l’arsenal thérapeutique se heurte à l’adaptation bactérienne. La prévention repose sur une hygiène rigoureuse et une éducation sanitaire ciblant les populations à risque. Le développement vaccinal, visant une couverture ≥85% via des conjugaisons O-antigéniques, offre un espoir pour les pays d’endémie. En parallèle, le séquençage génomique complet doit guider les politiques antibiotiques, tandis que la recherche sur les inhibiteurs de virulence ouvre de nouvelles pistes thérapeutiques.

Dr. Dominique HOLCMAN
Médecin généraliste
Médecin généraliste depuis plus de 30 ans, le Dr. Holcman est partenaire et rédacteur chez Biloba. Engagé dans des actions humanitaires, il met son expertise au service de tous, avec une attention particulière portée à l'écoute, à la prévention et à l'accès aux soins.
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Bibliographie

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