- Les calculs biliaires sont des cristaux de cholestérol (70 %) ou de bilirubine formés dans la vésicule biliaire suite à une sursaturation et une hypomotilité biliaire.
- Les facteurs de risque incluent le sexe féminin, l’obésité, la perte de poids rapide, la contraception œstroprogestative et des polymorphismes du gène ABCG8.
- Les coliques hépatiques se traduisent par une douleur en barre de l’hypochondre droit, parfois compliquée de cholécystite ou de pancréatite, diagnostiquées par échographie (sensibilité 95 %) et cholangio-IRM.
- La prise en charge repose sur la cholécystectomie laparoscopique pour les formes symptomatiques, la CPRE pour les calculs cholédociens et l’acide ursodésoxycholique pour les patients non opérables.
- La prévention associe régime méditerranéen riche en fibres, activité physique régulière et perte de poids progressive pour réduire le risque de formation et de récidive.
La lithiase biliaire constitue un problème de santé publique majeur dans les pays industrialisés, touchant jusqu'à 30 % des femmes octogénaires. Cette pathologie résulte de la cristallisation progressive des composants biliaires, principalement le cholestérol, au sein de la vésicule biliaire. Bien que souvent asymptomatique, elle peut engendrer des complications potentiellement graves telles que des pancréatites aiguës ou des cholécystites. Les avancées récentes en imagerie médicale et les techniques chirurgicales mini-invasives ont radicalement transformé sa prise en charge, nécessitant une actualisation des connaissances pour les professionnels de santé.
Physiopathologie de la lithiase biliaire
Composition et formation des calculs
La bile, sécrétée continuellement par le foie à raison de 500 à 1000 ml/jour, voit sa composition altérée dans 80 % des cas de lithiase biliaire en Europe. L'excès de cholestérol non estérifié, représentant plus de 70 % des calculs, résulte d'un déséquilibre entre les facteurs pro-cristallogènes (sursaturation en cholestérol) et anti-cristallogènes (acides biliaires, phospholipides). Ce processus suit trois étapes clés :
- Sur saturation biliaire : Un rapport cholestérol/acides biliaires > 1:5 favorise la nucléation.
- Nucléation accélérée : Des glycoprotéines mucoïdes servent de matrice aux microcristaux.
- Croissance des calculs : L'hypomotilité vésiculaire permet l'agrégation cristalline progressive.
Les calculs pigmentaires, représentant 15-20 % des cas en France, se forment quant à eux à partir de bilirubine non conjuguée, souvent en contexte d'hémolyse chronique ou d'infections biliaires.
Facteurs de risque modulables et non modulables
L'analyse multivariée des données épidémiologiques révèle une stratification des risques :
Les polymorphismes du gène ABCG8 (transporteur biliaire du cholestérol) expliquent 25 % de la variabilité interindividuelle, ouvrant des perspectives en médecine personnalisée.
Manifestations cliniques et complications
Tableaux typiques et atypiques
La colique hépatique classique se manifeste par une douleur en barre de l'hypochondre droit, irradiant à l'épaule droite, survenant 30-60 minutes postprandialement. Son intensité (Échelle Visuelle Analogique >7/10) et sa durée (15 minutes à 5 heures) en font un motif fréquent d'hospitalisation.
Cependant, 20 % des présentations atypiques posent des défis diagnostiques :
- Syndrome de Bouveret : Occlusion intestinale haute par calcul iléal
- Syndrome de Mirizzi : Compression extrinsèque de la voie biliaire principale (0.7-1.4 % des cas)
- Pancréatite biliaire récurrente : Obstruction intermittente de l'ampoule de Vater
Complications aiguës
La cholécystite aiguë survient dans 3-10 % des lithiases symptomatiques, caractérisée par :
- Triade de Murphy (douleur + arrêt respiratoire à la palpation)
- Hyperleucocytose >10 000/mm³
- Épaississement pariétal vésiculaire à l'échographie (>4 mm)
L'angiocholite, complication redoutée (mortalité 10-30 %), associe triade de Charcot (douleur, ictère, fièvre) et perturbation du bilan hépatique (PAL >3N).
Approche diagnostique
Stratification des examens complémentaires
L'échographie abdominale, avec une sensibilité de 95 % pour les calculs >2 mm, reste l'examen de première intention. Son interprétation doit intégrer :
- Signe de WES (Wall-Echo-Shadow) : Artefact postérieur des calculs impactés
- Épaississement pariétal : >3,5 mm en faveur d'une cholécystite
- Vésicule porcelaine : Calcifications pariétales (risque carcinome 25 %)
En cas de doute diagnostique, la cholangio-IRM présente une spécificité de 97 % pour la lithiase cholédocienne, tandis que l'échoendoscopie détecte 98 % des microcalculs <3 mm.
Biomarqueurs émergents
Des études récentes explorent l'intérêt de :
- MUC5AC : Glycoprotéine mucineuse dosée dans la bile (VPP 82 % pour lithiase symptomatique)
- MicroARN-200a : Régulateur de l'inflammation vésiculaire (corrélé à la sévérité des cholécystites)
Prise en charge thérapeutique
Algorithmes décisionnels
La cholécystectomie laparoscopique reste le gold standard pour les formes symptomatiques, avec un taux de conversion à ciel ouvert <5 %. Les recommandations EASL 2016 précisent :
- Urgence absolue : Cholécystite gangréneuse ou perforée
- Urgence différée : Cholécystectomie dans les 72h suivant l'admission
- Traitement médical : Réservé aux contre-indications chirurgicales
Pour les calculs cholédociens, la CPRE avec sphinctérotomie permet l'extraction dans 90 % des cas, avec un risque de pancréatite post-CPRE de 3-5 %.
Alternatives innovantes
- Lithotritie extracorporelle : Efficace pour les calculs <20 mm non calcifiés (taux de succès 50 % à 1 an)
- Thérapie de dissolution : Acide ursodésoxycholique (10-15 mg/kg/jour pendant 6-24 mois), indiqué chez les patients non opérables
Les approches pharmacologiques ciblant la nucléation (inhibiteurs de MUC5AC) et l'hypercholestérolémie biliaire (ézétimibe) font l'objet d'essais cliniques phase III.
Prévention primaire et secondaire
Modulation des facteurs de risque
Les recommandations nutritionnelles reposent sur :
- Régime méditerranéen : Apport en fibres >25 g/jour (réduction du risque 30 %)
- Activité physique : ≥150 min/semaine d'exercice modéré (OR 0.6)
- Éviction des régimes hypocaloriques stricts : Limiter la perte pondérale à 1-1.5 kg/mois
En prévention secondaire post-cholécystectomie, une méta-analyse récente montre l'efficacité de l'acide ursodésoxycholique (600 mg/jour pendant 3 mois) pour prévenir les récidives de lithiase résiduelle (RR 0.4).
Dépistage ciblé
Le dépistage échographique est recommandé chez :
- Patients cirrhotiques (prévalence lithiasique 30 %)
- Candidates à la chirurgie bariatrique (risque de lithogénèse 35 % post-opératoire)
- Porteurs de maladies hémolytiques chroniques
Conclusion
La lithiase biliaire, marqueur de syndrome métabolique et de vieillissement hépatobiliaire, nécessite une approche multidisciplinaire intégrant génétique, microbiote intestinal et innovations thérapeutiques. Les progrès récents en imagerie fonctionnelle (élastographie vésiculaire) et en biologie moléculaire (marqueurs de lithogénèse) augurent d'une médecine plus prédictive et personnalisée. La standardisation des procédures chirurgicales et endoscopiques, couplée à des stratégies préventives fondées sur des preuves, devrait réduire l'incidence des complications graves dans la décennie à venir.
