- Le myélome multiple est un cancer hématologique caractérisé par la prolifération clonale de plasmocytes dans la moelle osseuse, produisant une immunoglobuline monoclonale et provoquant lésions ostéolytiques et insuffisance médullaire.
- Les symptômes typiques (CRAB) incluent hypercalcémie, insuffisance rénale, anémie et lésions osseuses, souvent complétés par fatigue, douleurs osseuses et infections récurrentes.
- Parmi les facteurs de risque figurent la progression d’une gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS), des anomalies génétiques (translocations, mutations de MYC, NRAS, KRAS, délétions TP53) et l’âge avancé.
- Les traitements de première ligne associent inhibiteurs du protéasome, immunomodulateurs et anticorps monoclonaux (schéma VRd, autogreffe) ; les rechutes sont traitées avec des thérapies ciblées et des immunothérapies innovantes.
- Un diagnostic précoce via électrophorèse, myélogramme et imagerie, associé à un suivi multidisciplinaire et des traitements de support (bisphosphonates, érythropoïétine), améliore le pronostic et la qualité de vie.
Le myélome multiple est un cancer hématologique caractérisé par la prolifération clonale de plasmocytes anormaux dans la moelle osseuse, entraînant des lésions ostéolytiques, une insuffisance médullaire et la production d’immunoglobulines monoclonales. Cette maladie, qui représente environ 1 % de tous les cancers diagnostiqués en France, touche principalement les personnes âgées avec un pic d’incidence autour de 70 ans. Les avancées thérapeutiques récentes, incluant les inhibiteurs du protéasome et les anticorps monoclonaux, ont transformé son pronostic, bien que la guérison reste rare. Ce rapport synthétise les mécanismes pathophysiologiques, les stratégies diagnostiques, les options thérapeutiques et les défis actuels liés à cette pathologie complexe.
Épidémiologie et facteurs de risque
Incidence et prévalence
Le myélome multiple affecte annuellement entre 5 000 et 5 400 personnes en France, avec une légère prédominance masculine (54 % des cas). L’âge médian au diagnostic est de 70 ans, bien que 3 % des patients soient diagnostiqués avant 40 ans. La prévalence augmente avec l’âge, reflétant l’accumulation d’altérations génétiques au fil du temps.
Facteurs étiologiques
Les causes exactes restent mal comprises, mais plusieurs facteurs de risque sont identifiés. La progression depuis une gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS) est un précurseur dans presque tous les cas. Les anomalies génétiques incluent des translocations chromosomiques (impliquant souvent les locus 14q32 ou 11q13), des trisomies et des mutations activatrices des oncogènes MYC, NRAS ou KRAS, ainsi que des délétions du suppresseur de tumeur TP53. L’exposition environnementale à des toxiques (pesticides, solvants) et des antécédents familiaux augmentent légèrement le risque.
Pathophysiologie et mécanismes moléculaires
Dynamique de la moelle osseuse
Les plasmocytes malins envahissent progressivement la moelle osseuse, perturbant l’hématopoïèse normale. Cette infiltration entraîne une réduction des globules rouges (anémie), des leucocytes (infections récurrentes) et des plaquettes (hémorragies). Parallèlement, les ostéoclastes sont activés via la surexpression de RANK ligand, tandis que les ostéoblastes sont inhibés, conduisant à des lésions ostéolytiques et des fractures pathologiques.
Rôle des immunoglobulines monoclonales
Les cellules myélomateuses produisent une immunoglobuline monoclonale (protéine M) qui s’accumule dans le sang ou les urines. Cette protéine, non fonctionnelle, contribue à l’hyperviscosité sanguine, à l’insuffisance rénale par dépôt tubulaire, et à l’immunosuppression en interférant avec la réponse immunitaire normale. Dans 20 % des cas, seules des chaînes légères libres (protéines de Bence Jones) sont détectables, associées à un risque accru de néphropathie.
Manifestations cliniques et critères diagnostiques
Symptomatologie classique (CRAB)
Les manifestations résultent de l’atteinte multiviscérale et suivent souvent l’acronyme CRAB :
- Hypercalcémie (fatigue, confusion, polyurie) due à la résorption osseuse.
- Insuffisance rénale (créatininémie élevée, protéinurie) secondaire à la néphrotoxicité des chaînes légères.
- Anémie (Hb <10 g/dL) causée par l’infiltration médullaire.
- Lésions osseuses (douleurs, fractures pathologiques) visibles à l’imagerie.
Environ 20 % des patients sont asymptomatiques au diagnostic, la maladie étant découverte fortuitement lors d’examens biologiques.
Outils diagnostiques
Le diagnostic repose sur une triade :
- Électrophorèse des protéines sériques et urinaires : détection de la protéine M ou des chaînes légères libres.
- Myélogramme : infiltration plasmocytaire ≥10 % (critère de l’OMS), avec plasmocytes dysplasiques.
- Imagerie : TDM corps entier ou IRM pour identifier les lésions ostéolytiques.
Les nouveaux critères de l’IMWG (International Myeloma Working Group) incluent également des biomarqueurs comme un ratio sérique des chaînes légères ≥100 ou plus d’une lésion focale à l’IRM.
Prise en charge thérapeutique
Traitements de première ligne
Pour les patients éligibles à une autogreffe (âge <70 ans et bon état général), le schéma VRd (bortézomib, lénalidomide, dexaméthasone) est le standard, suivi d’une chimiothérapie à haute dose avec melphalan et transplantation de cellules souches. Chez les patients non éligibles, des combinaisons incluant le daratumumab (anti-CD38) montrent une survie globale améliorée.
Prise en charge des rechutes
Les thérapies ciblées comme les inhibiteurs de l’exportine (séliméxor) ou les conjugués anticorps-médicament (belantamab mafodotine) sont utilisés en cas de maladie réfractaire. Le talquetamab, un anticorps bispécifique ciblant CD3 et GPRC5D, a montré une efficacité dans les essais de phase II, mais son accès précoce a été refusé en France en 2024 en raison de données insuffisantes.
Traitements de support
- Bisphosphonates (zolédronate) : réduisent les événements osseux et la douleur.
- Érythropoïétine : corrige l’anémie symptomatique.
- Antiviraux prophylactiques : essentiels sous inhibiteurs du protéasome pour prévenir le réactivation herpétique.
Pronostic et facteurs prédictifs
Indicateurs cliniques
Le pronostic dépend du stade ISS (International Staging System), basé sur l’albumine et la β2-microglobuline. Les patients de stade III (β2-microglobuline >5,5 mg/L) ont une médiane de survie de 29 mois sans traitement intensif. La réponse au traitement, évaluée par les critères IMWG (rémission complète, très bonne réponse partielle), influence également la survie.
Marqueurs génétiques
Les anomalies à haut risque incluent la délétion 17p (impactant TP53) et la translocation t(4;14), associées à une résistance thérapeutique. Les signatures génétiques comme le profil SKY92 permettent une stratification pronostique plus fine.
Perspectives de recherche et défis actuels
Immunothérapies innovantes
Les CAR-T cells ciblant BCMA (antigène de maturation des lymphocytes B) ont obtenu des taux de réponse de 80 % dans les myélomes réfractaires, bien que leur accès reste limité en Europe. Les essais combinant anti-CD38 et inhibiteurs de checkpoint (anti-PD1) explorent des synergies potentielles.
Enjeux d’accès aux thérapies
Malgré des avancées, l’hétérogénéité des systèmes de santé en Europe complique l’uniformisation des protocoles. L’European Myeloma Network promeut des essais collaboratifs pour valider des schémas accessibles, incluant des pays à ressources limitées.
Dépistage de la MGUS
Le dépistage systématique n’est pas recommandé, mais un suivi annuel des patients à haut risque (prévalence de 3 % après 50 ans) pourrait permettre une intervention précoce.
Conclusion
Le myélome multiple reste une maladie incurable, mais l’arsenal thérapeutique s’est considérablement étoffé, offrant des survies prolongées. L’intégration de biomarqueurs moléculaires et le développement d’immunothérapies ciblées redéfinissent les standards de prise en charge. Cependant, les disparités d’accès aux innovations et la gestion des comorbidités associées (insuffisance rénale, fragilité osseuse) appellent à une approche multidisciplinaire et personnalisée. Les efforts de recherche doivent se concentrer sur les mécanismes de résistance et l’amélioration de la qualité de vie des patients.
