- Anémie ferriprive : carence en fer entraînant une réduction de la production d’hémoglobine, principalement liée aux pertes sanguines chroniques, malabsorptions intestinales ou besoins accrus.
- Symptômes : asthénie, pâleur cutanéomuqueuse, dyspnée d’effort, troubles cognitifs et signes spécifiques (koïlonychie, glossite, pica).
- Diagnostic : NFS montrant anémie microcytaire et hypochrome, fer sérique bas, capacité totale de fixation de la transferrine élevée, ferritine effondrée (seuil ajusté en contexte inflammatoire).
- Traitement : supplémentation orale en sels ferreux (100–200 mg/j de fer élément), fer intraveineux en cas d’intolérance ou de carence sévère, et recherche/prise en charge de la cause sous-jacente.
- Prévention et suivi : alimentation riche en fer héminique et vitamine C, supplémentation préventive chez les groupes à risque, contrôle de l’hémoglobine et de la ferritine à 3 mois puis périodiquement.
L’anémie ferriprive, caractérisée par une carence en fer entraînant une réduction de la production d’hémoglobine, représente la forme la plus courante d’anémie mondiale. Son étiologie multifactorielle associe principalement les pertes sanguines chroniques, les malabsorptions digestives et les besoins accrus lors de situations physiologiques ou pathologiques. Les manifestations cliniques, souvent aspécifiques, incluent fatigue, pâleur cutanéomuqueuse et complications cardiopulmonaires en l’absence de traitement. Le diagnostic repose sur un ensemble d’indices biologiques incluant la microcytose, l’hypochromie érythrocytaire et le dosage de la ferritine sérique. La prise en charge thérapeutique combine la supplémentation martiale et le traitement étiologique, avec des enjeux spécifiques selon les populations concernées.
Physiopathologie de la carence martiale
Métabolisme du fer et régulation
Le fer, élément central de l’hémoglobine, circule sous forme liée à la transferrine et est stocké dans les hépatocytes et les macrophages sous forme de ferritine et d’hémosidérine. L’homéostasie du fer est régulée par l’hepcidine, une hormone hépatique modulant l’absorption intestinale et la libération des réserves. En situation de carence, la production d’hepcidine diminue, favorisant l’absorption du fer alimentaire et la mobilisation des stocks.
Mécanismes étiopathogéniques
Trois mécanismes principaux sous-tendent l’anémie ferriprive :
- Pertes sanguines chroniques : responsables de 60 à 80 % des cas chez l’adulte. Chez la femme en âge de procréer, les ménorragies constituent la première cause, tandis que chez l’homme et la femme ménopausée, une origine digestive doit être systématiquement recherchée.
- Malabsorption intestinale : observée dans la maladie cœliaque, les gastrites atrophiques ou post-chirurgicales, et les résections intestinales étendues.
- Besoins accrus : grossesse, allaitement et phases de croissance rapide augmentent les exigences martiales jusqu’à 3 mg/jour.
Une étude épidémiologique récente souligne que 20 à 30 % des femmes enceintes développent une anémie ferriprive au troisième trimestre, justifiant des recommandations de supplémentation préventive.
Tableaux cliniques et diagnostic différentiel
Manifestations cliniques
L’installation progressive de la carence explique la fréquente tolérance initiale. Les symptômes généraux associent asthénie, dyspnée d’effort et troubles cognitifs. Des signes spécifiques comme la koïlonychie (ongles en cuillère), la glossite atrophique ou le pica (envie compulsive de substances non nutritives) orientent le diagnostic. Une étude observationnelle rapporte une prévalence de pica atteignant 15 % chez les patients présentant une ferritine < 15 µg/L.
Approche paradlinique
Le bilan biologique standard inclut :
- NFS : anémie microcytaire (VGM < 80 fL) et hypochrome (CCMH < 32 g/dL).
- Statut martial : fer sérique bas (< 60 µg/dL), capacité totale de fixation de la transferrine élevée (> 400 µg/dL) et ferritine effondrée (< 30 µg/L).
- Ratio TSAT (taux de saturation de la transferrine) : inférieur à 16 % en cas de carence.
Le dosage de la ferritine reste l’examen le plus spécifique, bien que sa valeur puisse être faussement élevée en contexte inflammatoire. Dans ces situations, un seuil de 100 µg/L est proposé pour évoquer une carence associée.
Stratégies thérapeutiques
Correction de la carence martiale
Supplémentation orale
Première intention, elle utilise des sels ferreux (sulfate, fumarate) à des doses de 100 à 200 mg/jour de fer élément. L’efficacité dépend de l’observance, souvent limitée par les effets secondaires digestifs (nausées, constipation). Une étude randomisée démontre que l’administration intermittente (3 fois/semaine) améliore la tolérance sans réduire l’efficacité.
Administration intraveineuse
Indiquée en cas d’intolérance, de malabsorption ou de carence sévère, les complexes de fer carboxymaltose permettent une recharge rapide (jusqu’à 1 000 mg en 15 minutes). Le protocole FERGIcor recommande des doses adaptées au poids et à l’hémoglobine initiale, avec un objectif de correction > 2 g/dL en 4 semaines.
Prise en charge étiologique
La recherche de la cause sous-jacente est impérative, incluant :
- Tubéreuse digestive : coloscopie et gastroscopie devant toute anémie ferriprive inexpliquée.
- Gynécologique : échographie pelvienne et dosage des marqueurs tumoraux en cas de ménorragies.
- Nutritionnelle : conseils diététiques favorisant les sources de fer héminique (viandes rouges) et la combinaison avec la vitamine C pour optimiser l’absorption.
Populations spécifiques
Grossesse et période néonatale
Les besoins en fer passent de 0,8 à 7,5 mg/jour au troisième trimestre. Les recommandations françaises préconisent une supplémentation systématique par 30 à 50 mg/jour dès le premier trimestre, associée à un dépistage de l’anémie à 28 SA. Chez le nouveau-né, l’anémie carentielle est prévenue par le clampage tardif du cordon ombilical et l’enrichissement des laits infantiles.
Sujets âgés
L’anémie ferriprive concerne 10 à 20 % des personnes de plus de 75 ans, souvent multifactorielle (malnutrition, saignements occulte, inflammations chroniques). Une étude prospective montre que 47 % des cas sont associés à un syndrome inflammatoire, nécessitant une interprétation ajustée de la ferritine.
Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI)
La prévalence de la carence martiale atteint 45 % dans la maladie de Crohn et 80 % en cas de résection iléale. L’ECCO recommande le fer intraveineux comme première ligne, permettant une normalisation plus rapide de l’hémoglobine comparé à la voie orale.
Prévention et suivi
Mesures diététiques
L’apport journalier recommandé varie de 8 mg (homme adulte) à 27 mg (femme enceinte). Les aliments riches en fer héminique (boudin noir, foie) sont privilégiés, tandis que les inhibiteurs d’absorption (thé, café, phytates) doivent être évités autour des repas.
Surveillance biologique
Un contrôle de l’hémoglobine et de la ferritine est recommandé à 3 mois puis annuellement après recharge martiale. En contexte de saignement chronique, des dosages semestriels permettent d’ajuster la supplémentation.
Conclusion et perspectives
L’anémie ferriprive demeure un enjeu majeur de santé publique, notamment dans les populations à risque. Les avancées récentes dans les formulations intraveineuses et les stratégies personnalisées de supplémentation ont transformé son pronostic. Néanmoins, l’accès inégal aux moyens diagnostiques et thérapeutiques dans les pays à ressources limitées souligne la nécessité de programmes de dépistage ciblés. Les futures recherches devraient explorer le rôle émergent des modulateurs de l’hepcidine dans le traitement des carences réfractaires.
