- Un AVC ischémique survient lorsqu’une artère cérébrale est obstruée, stoppant l’oxygénation des neurones et risquant des séquelles irréversibles sans prise en charge rapide.
- Les symptômes majeurs incluent déficit moteur unilatéral, troubles du langage et altération visuelle, complétés par paresthésies ou troubles cognitifs : l’acronyme VITE aide à la détection rapide.
- Les facteurs de risque non modifiables (âge, sexe, antécédents familiaux) et modifiables (hypertension, fibrillation auriculaire, dyslipidémie, tabac) doivent être identifiés et contrôlés.
- En phase aiguë, la thrombolyse intraveineuse (rt-PA) dans les 4,5 h et la thrombectomie mécanique jusqu’à 6 h améliorent significativement le pronostic lorsqu’elles sont réalisées en urgence.
- La prévention repose sur le contrôle strict de la pression artérielle, la prise en charge de la fibrillation auriculaire, l’optimisation des lipides, l’arrêt du tabac et la rééducation neurologique post-AVC.
L’accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique constitue un enjeu majeur de santé publique, représentant 85 % des cas d’AVC en France. Caractérisé par l’obstruction d’une artère cérébrale, il entraîne une interruption brutale de l’oxygénation des tissus neuronaux, conduisant à des séquelles irréversibles en l’absence de traitement rapide. Les avancées récentes dans la prise en charge aiguë, notamment la thrombolyse intraveineuse et la thrombectomie mécanique, ont transformé le pronostic des patients, à condition d’une intervention dans des délais stricts. Parallèlement, la prévention primaire et secondaire reste un pilier essentiel pour réduire l’incidence de cette pathologie, qui touche environ 150 000 nouveaux cas annuels en France. Ce rapport synthétise les données épidémiologiques, physiopathologiques, thérapeutiques et préventives actualisées, en s’appuyant sur les recommandations des sociétés savantes françaises et européennes.
Mécanismes Physiopathologiques de l’AVC Ischémique
Origines de l’Occlusion Artérielle
L’AVC ischémique résulte principalement de deux mécanismes distincts : la thrombose in situ et l’embolie cérébrale. Dans 60 % des cas, l’obstruction naît de la rupture d’une plaque d’athérome au niveau des artères cervicales ou intracrâniennes, déclenchant une cascade thrombotique locale. Les plaques instables, riches en lipides et en macrophages, sont particulièrement propices aux complications aiguës. À l’inverse, l’embolie cérébrale (40 % des cas) provient majoritairement de thrombus cardiaques, notamment dans le contexte de fibrillation auriculaire non anticoagulée.
Dynamique de l’Ischémie Cérébrale
L’arrêt du flux sanguin entraîne une cascade ischémique en trois phases :
- Phase critique (0-4 heures) : La privation énergétique provoque un effondrement des gradients ioniques neuronaux, conduisant à un œdème cytotoxique.
- Pénombre ischémique (4-6 heures) : Les cellules gliales et endothéliales subissent une activation inflammatoire, libérant des radicaux libres et des cytokines pro-apoptotiques.
- Nécrose tissulaire (>6 heures) : Les lésions deviennent irréversibles, avec lyse des membranes cellulaires et libération de débris neuronaux.
Cette progression explique l’impératif thérapeutique des interventions précoces pour sauver la pénombre ischémique.
Tableau Clinique et Signes d’Alerte
Symptômes Neurologiques Focaux
La triade classique associe :
- Déficit moteur unilatéral (hémiparésie/plégie), présent dans 70 % des cas.
- Troubles du langage (aphasie ou dysarthrie), observés chez 50 % des patients.
- Altération visuelle (hémianopsie ou cécité corticale), caractéristique des atteintes du territoire vertébro-basilaire.
Les manifestations sensitives (paresthésies, hypoesthésie) et cognitives (désorientation, négligence spatiale) complètent fréquemment le tableau.
Particularités des Accidents Ischémiques Transitoires (AIT)
Bien que régressant spontanément en moins d’une heure, les AIT partagent la même sémiologie que les AVC constitués. Leur reconnaissance est cruciale, car ils annoncent un risque de 10 % à 20 % d’AVC majeur dans les 90 jours suivants. Les campagnes d’information grand public insistent sur l’acronyme VITE : Visage asymétrique, Inertie d’un membre, Trouble de la parole, Extrême urgence.
Facteurs de Risque Modifiables et Non Modifiables
Déterminants Non Modifiables
- Âge : L’incidence double chaque décennie après 55 ans, avec 75 % des cas survenant post-65 ans.
- Sexe : Prédominance féminine (55 %), liée à la longévité accrue et aux interactions hormonales.
- Antécédents familiaux : Un risque relatif de 1,5 à 2 en cas d’AVC précoce chez un parent au premier degré.
Facteurs Modifiables : Cibles Préventives
- Hypertension artérielle (RR=3,5) : Responsable de 50 % des AVC ischémiques, son contrôle réduit le risque de 40 %.
- Fibrillation auriculaire (RR=5) : Cause de 25 % des embolies cérébrales, nécessitant une anticoagulation adaptée.
- Dyslipidémie : Un LDL-cholestérol >1,6 g/l multiplie par 2,3 le risque athérothrombotique.
- Tabagisme : L’arrêt du tabac diminue de 50 % le risque résiduel après 5 ans.
Les interventions multifactorielles (régime méditerranéen, activité physique, gestion du stress) potentialisent l’effet des traitements pharmacologiques.
Stratégies Diagnostiques en Phase Aiguë
Imagerie cérébrale en Urgence
Le scanner cérébral sans injection reste l’examen de première intention, permettant d’éliminer une hémorragie en moins de 5 minutes. L’IRM de diffusion, plus sensible pour les infarctus précoces, est réservée aux centres spécialisés. L’angiographie par tomodensitométrie (angio-TDM) cartographie les occlusions artérielles et guide les décisions de thrombectomie.
Bilan Étiologique Immédiat
- Échocardiographie transœsophagienne : Détecte les cardiopathies emboligènes (foramen ovale perméable, thrombus intra-auriculaire).
- Doppler des troncs supra-aortiques : Évalue le degré de sténose carotidienne, indication potentielle d’endartériectomie.
- Biologie sanguine : Recherche de troubles de la coagulation, syndrome inflammatoire ou dysmétabolique.
Prise en Charge Thérapeutique en Phase Aiguë
Thrombolyse Intraveineuse
L’altéplase (rt-PA), administrée dans les 4,5 heures suivant l’apparition des symptômes, améliore le pronostic fonctionnel chez 30 % des patients éligibles. Les contre-indications absolues incluent :
- Hémorragie intracrânienne active
- Antécédent récent de chirurgie majeure
- Pression artérielle >185/110 mmHg malgré traitement
En France, seulement 1 % des patients bénéficient de ce traitement, loin des 15 % théoriquement éligibles, principalement en raison de retards de prise en charge.
Thrombectomie Mécanique
Réservée aux occlusions des gros troncs artériels (artère cérébrale moyenne, terminus carotidien), cette procédure endovasculaire permet un taux de recanalisation de 80 % lorsque réalisée dans les 6 heures. Combinée à la thrombolyse, elle réduit de 50 % le risque de dépendance à 3 mois.
Prise en Charge en Unité Neurovasculaire (UNV)
Les UNV, structurées autour d’équipes pluridisciplinaires, améliorent la survie et réduisent les séquelles grâce à :
- Monitorage continu des paramètres vitaux
- Prévention des complications (œdème cérébral, infections nosocomiales)
- Mobilisation précoce supervisée par kinésithérapeutes
Prévention Secondaire et Rééducation
Antithrombotiques au Long Cours
- Antiagrégants plaquettaires : L’aspirine (75-160 mg/j) associée au clopidogrel en phase aiguë (21 jours), puis monothérapie au long cours.
- Anticoagulants oraux directs (AOD) : Indiqués en cas de fibrillation auriculaire, avec un rapport bénéfice/risque supérieur aux AVK.
Contrôle Aggressif des Facteurs de Risque
- Cible tensionnelle : <130/80 mmHg pour les diabétiques ou patients à haut risque cardiovasculaire.
- HbA1c : Maintenue <7 % via éducation thérapeutique et nouveaux antidiabétiques (GLP-1, SGLT2).
- Sevrage tabagique : Substituts nicotiniques associés à un suivi psychologique.
Réadaptation Neurologique
Les programmes individualisés combinent :
- Kinésithérapie motrice : Réapprentissage de la marche, prévention des rétractions.
- Orthophonie : Prise en charge des aphasies et dysphagies.
- Ergothérapie : Adaptation du domicile et réentraînement aux activités quotidiennes.
Initiatives de Santé Publique et Perspectives
Campagnes de Sensibilisation
La journée mondiale de l’AVC (29 octobre) diffuse annuellement des messages clés :
- Reconnaissance des signes d’alerte (campagne VITE)
- Promotion des modes de vie sains
- Démocratisation de l’automesure tensionnelle
Dépistage Ciblé des Populations à Risque
Le programme NAVIGO (2024-2027) vise à :
- Détecter précocement l’hypertension méconnue (30 % des cas)
- Systématiser le dépistage de la fibrillation auriculaire après 65 ans
- Former les médecins généralistes à l’évaluation du risque cardio-emboligène
Recherche et Innovations Thérapeutiques
Les essais en cours explorent :
- Neuroprotection : Inhibiteurs de l’excitotoxicité glutamatergique
- Thérapie cellulaire : Cellules souches mésenchymateuses pour la réparation tissulaire
- Télémédecine avancée : Robots de thrombectomie guidés par IA dans les zones sous-équipées
Conclusion
L’AVC ischémique représente une urgence thérapeutique absolue, où chaque minute perdue équivaut à la destruction de 1,9 million de neurones. Les progrès des dernières décennies en matière de reperfusion cérébrale offrent des perspectives inédites, à condition d’une mobilisation coordonnée des systèmes de santé, des professionnels et du public. La prévention, tant primaire que secondaire, demeure le levier le plus efficace pour réduire le fardeau socio-économique de cette pathologie, qui coûte à la France près de 8 milliards d’euros annuels. L’intégration des nouvelles technologies (télémédecine, biomarqueurs prédictifs) et le renforcement des réseaux UNV apparaissent comme des priorités incontournables pour les prochaines années.
