- L'hyperthyroïdie est une production excessive d’hormones thyroïdiennes (T3/T4) responsable d’un métabolisme basal accéléré et d’une chute de la TSH.
- Les causes principales sont la maladie de Basedow (anticorps TRAb, 70 %), les nodules toxiques et les thyroïdites ou iatrogènes (excès d’iode, lévothyroxine).
- Les symptômes incluent tachycardie, palpitations, tremblements, perte de poids avec polyphagie, thermophobie, anxiété et parfois troubles cognitifs chez le sujet âgé.
- Le diagnostic repose sur un taux de TSH effondré (< 0,1 mUI/L) avec T4L/T3L élevées, complété par la mesure des TRAb, l’échographie et la scintigraphie thyroïdienne.
- Le traitement associe antithyroïdiens de synthèse, iode radioactif ou chirurgie selon l’étiologie, avec adaptation de l’apport iodé, suivi hormonal régulier et mesures hygiéno-diététiques.
L'hyperthyroïdie, caractérisée par une production excessive d'hormones thyroïdiennes, constitue un dérèglement endocrinien aux conséquences systémiques. Cette pathologie, touchant préférentiellement les femmes et les personnes âgées, impose une approche diagnostique rigoureuse et une stratégie thérapeutique personnalisée. Les avancées récentes dans les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) et les guidelines européens soulignent l'importance d'une prise en charge holistique, intégrant des traitements pharmacologiques, des interventions radiologiques et des adaptations du mode de vie.
Définition et Épidémiologie
Mécanismes Physiopathologiques
L'hyperthyroïdie résulte d'une hyperactivité de la glande thyroïde, entraînant une sécrétion accrue de thyroxine (T4) et de triiodothyronine (T3). Ces hormones régulent le métabolisme basal, influençant des fonctions critiques telles que la thermogenèse, la fréquence cardiaque et la synthèse protéique. La Thyroid Stimulating Hormone (TSH), produite par l'hypophyse, voit généralement son taux s'effondrer en réponse à l'excès hormonal, un mécanisme clé dans le diagnostic.
Prévalence et Populations à Risque
En France, l'hyperthyroïdie affecte 1 à 4 % de la population, avec une prédominance féminine (ratio 8:1). Les facteurs de risque incluent les antécédents familiaux, l'âge supérieur à 60 ans et les périodes post-partum, où jusqu'à 7 % des femmes développent une forme transitoire. Les régions carencées en iode présentent également une incidence accrue de pathologies thyroïdiennes nodulaires.
Étiologies et Causes
Maladie de Basedow-Graves
Première cause d'hyperthyroïdie (70 % des cas), cette maladie auto-immune se caractérise par la production d'anticorps stimulant le récepteur de la TSH (TRAb), induisant une hyperplasie thyroïdienne diffuse. L'association à une ophtalmopathie infiltrative (exophtalmie) ou une dermopathie (myxœdème pré-tibial) est pathognomonique.
Nodules Thyroïdiens Hyperfonctionnels
Les adénomes toxiques (maladie de Plummer) et les goitres multinodulaires représentent 20 % des étiologies, particulièrement chez les sujets âgés. Ces nodules autonomes échappent à la régulation hypophysaire, sécrétant des hormones indépendamment de la TSH.
Thyroïdites et Causes Iatrogènes
Les thyroïdites (de Hashimoto, subaiguës, post-partum) libèrent des hormones stockées lors de phases destructrices, provoquant une thyrotoxicose transitoire. L'abus d'iode (médicaments, produits de contraste) ou la surcharge hormonale exogène (levothyroxine) constituent des causes iatrogènes à ne pas méconnaître.
Tableau Clinique et Symptômes
Manifestations Cardiovasculaires
L'hyperstimulation adrénergique se traduit par une tachycardie sinusale (>100 bpm), des palpitations, voire une fibrillation auriculaire (20 % des cas). L'hypertension artérielle à pression différentielle élevée et l'insuffisance cardiaque à débit élevé complètent le spectre des complications cardiaques.
Signes Neurovégétatifs et Métaboliques
Les patients rapportent une thermophobie, une hypersudation et une soif intense. Une perte de poids paradoxale (5-10 % de la masse corporelle) malgré une polyphagie est classique, accompagnée de diarrhées motrices. Les tremblements fins des extrémités et une asthénie proximale reflètent l'hypercatabolisme musculaire.
Atteintes Psychiques et Qualité de Vie
L'anxiété, l'irritabilité et l'insomnie altèrent significativement la qualité de vie. Chez les sujets âgés, un tableau pseudodémentiel ou dépressif peut masquer le diagnostic.
Approche Diagnostique
Bilan Biologique Initial
Le dosage de la TSH ultrasensible constitue le premier réflexe : un taux effondré (<0,1 mUI/L) oriente vers une hyperthyroïdie primaire. Les T4 libre (T4L) et T3 libre (T3L) élevées confirment le diagnostic, sauf dans les formes infracliniques où seule la TSH est anormale.
Investigations Étiologiques
La recherche d'anticorps anti-TSHR (TRAb) possède une spécificité de 95 % pour la maladie de Basedow. L'échographie thyroïdienne évalue le volume glandulaire et l'échostructure, tandis que la scintigraphie au technétium différencie les nodules chauds (hyperfixants) des zones froides.
Cas Particuliers : Femmes Enceintes et Sujets Âgés
Chez la femme enceinte, le dosage des TRAb est crucial pour évaluer le risque fœtal. Chez le sujet âgé, un bilan cardiaque approfondi (ECG, échocardiographie) s'impose devant toute fibrillation auriculaire nouvellement diagnostiquée.
Stratégies Thérapeutiques
Antithyroïdiens de Synthèse (ATS)
Le méthimazole (MMI) et le propylthiouracile (PTU) inhibent l'organification de l'iode. Le MMI, mieux toléré, est privilégié en première intention (10-40 mg/j), avec un contrôle biologique mensuel. Le PTU reste réservé au premier trimestre de grossesse en raison de ses risques tératogènes.
Iode Radioactif (131I)
Indiqué dans les maladies de Basedow récidivantes ou les nodules toxiques, l'131I entraîne une destruction contrôlée du parenchyme thyroïdien. Le dosage standard (10-15 mCi) nécessite une contraception stricte pendant 6 mois.
Chirurgie Thyroïdienne
La thyroïdectomie subtotale ou totale s'adresse aux goitres compressifs, aux contre-indications aux ATS ou aux carcinomes associés. La supplémentation en lévothyroxine à vie est systématique post-opératoire.
Complications et Pronostic
Crise Thyréotoxique
Urgence vitale (mortalité 20-30 %), elle associe hyperthermie, déshydratation aiguë, agitation délirante et défaillance multiviscérale. La prise en charge en réanimation associe ATS, bêtabloquants, corticothérapie et refroidissement externe.
Ostéoporose et Fractures
L'excès chronique de T3/T4 accélère le remodelage osseux, majorant le risque fracturaire. Une densitométrie osseuse annuelle et une supplémentation en calcium/vitamine D sont préconisées chez les femmes ménopausées.
Impact sur la Fertilité et la Grossesse
L'hyperthyroïdie non contrôlée entraîne des avortements spontanés, des retards de croissance fœtale et des prééclampsies. Un ajustement posologique des ATS et un suivi mensuel de la TSH sont indispensables.
Prévention et Adaptation du Mode de Vie
Régulation de l'Apport Iodé
Éviter les excès d'iode (algues, certains sirops) prévient les thyrotoxicoses induites. À l'inverse, dans les zones carencées, une supplémentation modérée réduit l'incidence des goitres.
Activité Physique et Gestion du Stress
Les exercices d'intensité modérée (yoga, natation) améliorent la tolérance cardiovasculaire sans majorer le catabolisme musculaire. Les techniques de méditation atténuent l'anxiété liée à l'hyperadrénergisme.
Surveillance au Long Cours
Un suivi semestriel de la TSH et des hormones thyroïdiennes est recommandé, ajustant les posologies pour prévenir les rechutes. L'éducation thérapeutique vise à reconnaître précocement les signes de dysthyroïdie.
Conclusion
L'hyperthyroïdie, par sa diversité étiologique et clinique, nécessite une approche multidisciplinaire intégrant endocrinologues, cardiologues et médecins nucléaires. Les avancées thérapeutiques, notamment les immunomodulateurs ciblant les TRAb, laissent entrevoir une personnalisation accrue des traitements. La prévention des complications à long terme repose sur un équilibre subtil entre contrôle hormonal strict et préservation de la qualité de vie, soulignant l'importance d'une alliance thérapeutique médecin-patient robuste.
