- La tuberculose, due à Mycobacterium tuberculosis, reste une maladie infectieuse majeure avec 10 millions de nouveaux cas et 1,5 million de décès annuels, dont 25 % de porteurs latents évoluant en forme active chez 5-10 % (jusqu’à 10 %/an en cas de VIH).
- La transmission aérienne par aérosols contaminés est facilitée en milieu confiné (prisons, centres d’hébergement) et parmi les populations vulnérables (migrants, sans-abri), chaque cas actif infectant en moyenne 10 à 15 contacts/an.
- La forme pulmonaire se traduit par une toux productive persistante (>2 semaines), hémoptysies, fièvre vespérale, sueurs nocturnes et amaigrissement, tandis que 15-20 % des cas sont extrapulmonaires (adénopathies, méningite, atteintes osseuses) ou asymptomatiques au stade précoce.
- Le diagnostic repose sur les tests moléculaires rapides Xpert MTB/RIF, l’examen microscopique, la radiographie thoracique et les tests IGRA pour l’infection latente, avec des protocoles adaptés en pédiatrie pour pallier la difficulté d’obtention d’expectorations.
- Le traitement standard combine isoniazide, rifampicine, pyrazinamide et éthambutol (6 mois) sous DOT, complété par des schémas raccourcis et des molécules de seconde ligne pour les TB-MDR/XDR, tandis que la prévention s’appuie sur le BCG, la chimioprophylaxie et le dépistage ciblé.
La tuberculose demeure l'une des maladies infectieuses les plus meurtrières au monde, avec 10 millions de nouveaux cas et 1,5 million de décès annuels selon l'OMS. Causée par Mycobacterium tuberculosis, cette pathologie affecte principalement les poumons mais peut se manifester sous des formes extrapulmonaires complexes. Malgré des traitements antibiotiques efficaces, sa gestion est entravée par l'émergence de résistances médicamenteuses et les vulnérabilités socio-économiques. Ce rapport analyse les mécanismes pathogènes, les avancées diagnostiques et les stratégies de contrôle mises en œuvre, notamment dans le contexte français et européen.
Épidémiologie et transmission
Dynamique de propagation internationale
La tuberculose présente une distribution géographique hétérogène, avec 80% des cas concentrés dans huit pays : Bangladesh, Chine, Inde, Indonésie, Nigéria, Pakistan, Philippines et Afrique du Sud. Cette inégalité reflète des déterminants socio-économiques complexes où pauvreté, malnutrition et accès limité aux soins interagissent avec des facteurs biologiques. Le risque de transmission augmente dans les milieux confinés (prisons, centres d'hébergement) et parmi les populations mobiles.
L'OMS estime que 25% de la population mondiale héberge une infection tuberculeuse latente. Le passage à la forme active survient chez 5-10% des porteurs, généralement dans les deux années suivant l'infection. Ce risque s'élève à 10% annuel chez les personnes vivant avec le VIH, illustrant l'interaction mortelle entre tuberculose et immunodépression.
Mécanismes de contagion
La transmission aérienne par aérosols contaminés reste le principal mode de dissémination. Une personne atteinte de tuberculose pulmonaire active non traitée infecte en moyenne 10 à 15 contacts proches annuellement. La contagiosité dépend de la charge bacillaire dans les expectorations, de la fréquence des actes expiratoires forcés (toux, éternuements) et de la durée d'exposition. Les formes extrapulmonaires (ganglionnaires, méningées, osseuses) ne sont généralement pas contagieuses.
Manifestations cliniques et diagnostic
Symptomatologie polymorphe
La tuberculose pulmonaire classique se manifeste par une toux productive persistante (>2 semaines), des hémoptysies, un amaigrissement, des sueurs nocturnes et une fièvre vespérale. Cependant, 20% des cas restent asymptomatiques au stade précoce, retardant le diagnostic. Les formes extrapulmonaires (15-20% des cas) présentent des tableaux variés : adénopathies cervicales, méningite, arthrite ou atteintes génito-urinaires.
Outils diagnostiques modernes
L'OMS recommande désormais les tests moléculaires rapides (Xpert MTB/RIF) comme première intention pour détecter M. tuberculosis et sa résistance à la rifampicine. Ces techniques complètent l'examen microscopique des crachats et la radiographie thoracique. Pour les infections latentes, les tests interféron-gamma (IGRA) ont remplacé l'intradermoréaction dans de nombreux contextes, offrant une meilleure spécificité.
En pédiatrie, le diagnostic reste problématique en raison de la difficulté à obtenir des expectorations. Une étude bangladaise a validé l'utilisation combinée de critères cliniques OMS et de l'imagerie thoracique chez les enfants malnutris, avec une spécificité de 84%.
Prise en charge thérapeutique
Protocoles standard et résistances
Le traitement de première ligne associe isoniazide, rifampicine, pyrazinamide et éthambutol pendant 2 mois, suivi de 4 mois de bithérapie. Ce régime permet un taux de guérison de 85% sous supervision adéquate. L'OMS a récemment approuvé des schémas raccourcis à 4 mois utilisant la rifapentine et la moxifloxacine pour les formes pulmonaires non compliquées.
La tuberculose multirésistante (TB-MDR), insensible à la rifampicine et l'isoniazide, nécessite des protocoles de 18 à 24 mois avec des antibiotiques de seconde ligne comme la bédaquiline. Les cas de TB ultrarésistante (TB-XDR) posent des défis majeurs, avec des taux de mortalité atteignant 40% malgré les nouvelles molécules.
Enjeux de l'observance
L'abandon thérapeutique constitue un facteur clé de l'émergence des résistances. L'OMS préconise le traitement directement observé (DOT) et le soutien psychosocial pour améliorer l'adhésion. En France, la prise en charge à 100% en affection de longue durée (ALD) vise à réduire les barrières financières.
Stratégies de prévention
Vaccination et chimioprophylaxie
Le BCG maintient son rôle dans la prévention des formes graves pédiatriques, malgré une efficacité variable contre les tuberculoses pulmonaires adultes. La chimioprophylaxie par isoniazide (6-9 mois) ou rifapentine-isoniazide (3 mois) est recommandée pour les contacts à risque et les personnes vivant avec le VIH.
Dépistage ciblé
En France, le dépistage actif concerne principalement les populations vulnérables : sans-abri, détenus, migrants originaires de zones endémiques et professionnels de santé. La Haute Autorité de Santé (HAS) a standardisé les algorithmes de détection précoce, combinant radiographie thoracique et tests interféron-gamma.
Situation en France et en Europe
Épidémiologie locale
Avec 4 306 cas déclarés en 2021 (taux de 6,4/100 000 habitants), la France présente une incidence faible mais stable. Les disparités régionales persistent : l'Île-de-France concentre 40% des cas, reflétant l'impact des déterminants sociaux. Les formes multirésistantes représentent <3% des cas, grâce à un système de surveillance performant.
Harmonisation des pratiques européennes
Le rapport ERS/ECDC 2017 établit des standards de prise en charge unifiés pour l'UE, insistant sur :
- L'accès universel aux tests moléculaires rapides
- La prise en charge intégrée des comorbidités (VIH, diabète)
- Le renforcement de la surveillance des résistances
- L'implémentation des traitements préventifs chez les migrants
Conclusion
La lutte contre la tuberculose exige une approche multifactorielle combinant innovations diagnostiques, accès équitable aux traitements et lutte contre les inégalités sociales. Les avancées récentes (régimes thérapeutiques raccourcis, nouveaux outils moléculaires) offrent des perspectives encourageantes, mais leur impact dépendra de leur déploiement dans les zones de haute endémicité. La collaboration internationale reste cruciale pour atteindre l'objectif d'élimination de la tuberculose d'ici 2035, tel que défini dans la stratégie "End TB" de l'OMS.
