- Le cancer du sein comprend diverses entités (carcinome canalaire, lobulaire, in situ) classées en sous-types moléculaires (Luminal A/B, HER2+, triple négatif) orientant le traitement.
- Facteurs de risque non modifiables (âge, mutations BRCA, antécédents) et modifiables (obésité, alcool, tabac, sédentarité) influencent la survenue du cancer du sein.
- Le dépistage bi-annuel par mammographie (50-74 ans) et la détection de masse à l’auto-examen motivent l’imagerie (échographie, IRM) et la biopsie pour un diagnostic précoce.
- La prise en charge associe chirurgie (tumorectomie ou mastectomie), radiothérapie, chimiothérapie, hormonothérapie et thérapies ciblées adaptées au sous-type moléculaire.
- La prévention combine réduction des risques comportementaux, suivi génétique pour les haut-risques et programmes structurés de dépistage pour améliorer le pronostic.
Le cancer du sein demeure un enjeu majeur de santé publique, avec une incidence annuelle de 61 214 nouveaux cas en France en 2023, représentant près de 25 % des cancers féminins au sein des pays industrialisés. Malgré une mortalité en baisse grâce aux progrès diagnostiques et thérapeutiques, cette pathologie constitue la première cause de décès par cancer chez la femme, avec 5 500 décès annuels estimés au Canada et des disparités pronostiques marquées selon le stade au diagnostic. Les avancées récentes intègrent une approche personnalisée fondée sur les sous-types moléculaires, optimisant les stratégies thérapeutiques combinant chirurgie, radiothérapie et traitements systémiques. Parallèlement, les programmes de dépistage organisé, comme celui ciblant les femmes de 50 à 74 ans en France, ont démontré leur efficacité en détectant précocement 90 % des tumeurs localisées, associées à des taux de survie à 5 ans dépassant 99 %.
Épidémiologie et impact sociosanitaire
Répartition géographique et démographique
En 2023, l’Institut national du cancer français rapporte 61 214 nouveaux cas de cancer du sein, avec un âge médian au diagnostic de 64 ans. Cette tendance reflète des données mondiales, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) identifiant le cancer du sein comme le cancer le plus fréquent chez la femme, avec 2,3 millions de cas diagnostiqués en 2020. Au Canada, les projections 2022 estiment 28 600 nouveaux cas annuels, soulignant une incidence croissante avec l’âge : 83 % des patientes ont plus de 50 ans au moment du diagnostic. Les variations interrégionales s’expliquent par des disparités d’accès au dépistage et des profils de risque populationnels différenciés.
Mortalité et facteurs pronostiques
La mortalité associée au cancer du sein présente une baisse régulière de 1,3 % par an depuis 2005 en France, attribuable à l’optimisation des protocoles thérapeutiques et au diagnostic précoce. Toutefois, les formes métastatiques initiales, représentant 5 à 10 % des cas, gardent un pronostic sombre avec une médiane de survie de 36 mois. L’OMS souligne l’impact disproportionné dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où 70 % des décès surviennent en l’absence de programmes structurés de dépistage.
Facteurs de risque et mécanismes étiopathogéniques
Facteurs non modifiables
L’âge constitue le principal facteur de risque, avec une incidence multipliée par 20 entre 30 et 70 ans. Les prédispositions génétiques, notamment les mutations BRCA1/BRCA2, augmentent le risque jusqu’à 80 %, tandis qu’une densité mammaire élevée (visualisée en mammographie) double le risque carcinologique. Les antécédents personnels de lésions mammaires atypiques (hyperplasie canalaire atypique, carcinome lobulaire in situ) multiplient quant à eux le risque par 4 à 5.
Facteurs modifiables liés au mode de vie
L’obésité post-ménopausique, associée à une hyperestrogénie relative, accroît le risque de 30 %, un effet potentialisé par la sédentarité. La consommation d’alcool, même modérée (1 verre/jour), majore le risque de 7 à 10 % par dose supplémentaire. Le tabagisme actif ou passif, via son effet génotoxique, est incriminé dans 10 % des cas. À l’inverse, l’activité physique régulière réduit le risque de 20 à 40 %, notamment grâce à son impact sur le métabolisme hormonal et l’inflammation.
Classification histologique et moléculaire
Types anatomopathologiques
Le carcinome canalaire infiltrant (CCI) représente 70 à 80 % des cas, caractérisé par une invasion du stroma par des cellules malignes d’origine canalaire. Le carcinome lobulaire infiltrant (5 à 15 % des cas) présente une croissance diffuse et un risque accru de bilatéralité. Les formes in situ (CCIS, CLIS), bien que non invasives, constituent des marqueurs de risque nécessitant une surveillance rapprochée.
Sous-types moléculaires
La classification moléculaire distingue quatre entités pronostiques et thérapeutiques :
- Luminal A (50-60 %) : Récepteurs hormonaux (RH+) forts, HER2-, faible indice de prolifération (Ki67 < 14 %). Pronostic favorable sous hormonothérapie exclusive.
- Luminal B (15-20 %) : RH+, Ki67 élevé et/ou HER2+. Requiert une combinaison d’hormonothérapie et de chimiothérapie.
- HER2+ (15-20 %) : Surexpression de HER2, agressivité intermédiaire. Traitement par anticorps monoclonaux (trastuzumab) et inhibiteurs de tyrosine kinase.
- Triple négatif (10-15 %) : Absence de RH et HER2, profil génomique instable. Association de chimiothérapie et immunothérapie en première ligne.
Stratégies diagnostiques et dépistage
Dépistage organisé en France
Le programme national cible les femmes de 50 à 74 ans par une mammographie biannuelle, associée à un examen clinique. En 2024, le taux de participation atteint 52 %, avec une détection de 6,7 cancers pour 1 000 examens, dont 70 % de stades localisés. Les clichés tomosynthétiques améliorent la sensibilité de 30 % chez les seins denses, réduisant les faux négatifs.
Diagnostic positif et bilan d’extension
La palpation d’une masse indurée, asymétrique et fixée (présente dans 80 % des symptomatiques) motive une imagerie triple bilan : mammographie, échographie et IRM en cas de doute. La biopsie échoguidée, avec analyse histologique et biomarqueurs (RH, HER2, Ki67), confirme le diagnostic. Le bilan d’extension intègre scintigraphie osseuse, TDM thoraco-abdomino-pelvien et TEP-TDM pour les formes localement avancées.
Prise en charge thérapeutique personnalisée
Chirurgie conservatrice versus mastectomie
Les tumorectomies avec marges saines ≥ 2 mm constituent le standard pour les tumeurs de moins de 3 cm, associées à une radiothérapie adjuvante (45 Gy en 20 séances). Les mastectomies totales avec reconstruction immédiate sont réservées aux tumeurs multifocales ou de grande taille (> 5 cm), avec un taux de complications infectieuses inférieur à 5 %.
Traitements systémiques néoadjuvants et adjuvants
Les chimiothérapies à base d’anthracyclines (AC) et de taxanes (paclitaxel) réduisent le risque de rechute de 40 % dans les formes HER2+ et triple négatif. L’hormonothérapie (tamoxifène, inhibiteurs de l’aromatase) sur 5 à 10 ans diminue la mortalité de 30 % chez les RH+. Les thérapies ciblées (trastuzumab, pertuzumab) améliorent la survie globale de 25 % dans les cancers HER2+.
Prévention primaire et secondaire
Réduction des risques comportementaux
Les recommandations internationales promeuvent une réduction de la consommation d’alcool (< 10 g/jour), une activité physique régulière (150 min/semaine) et un IMC < 25. La lactation prolongée (> 12 mois cumulés) réduit le risque de 4,3 % par année d’allaitement.
Dépistage génétique et surveillance des hauts risques
Pour les porteuses de mutations BRCA1/BRCA2, un suivi annuel par IRM mammaire dès 25 ans est préconisé, associé à une mammographie à partir de 30 ans. La mastectomie prophylactique bilatérale réduit le risque de 90 %, mais soulève des questions éthiques et psychologiques nécessitant un accompagnement multidisciplinaire.
Conclusion
Le cancer du sein illustre les avancées majeures de l’oncologie personnalisée, où l’intégration des biomarqueurs moléculaires et des stratégies de dépistage ciblé ont transformé le pronostic. Néanmoins, des défis persistent, notamment l’accès équitable aux innovations thérapeutiques et l’adhésion aux programmes de prévention. Les futures recherches devront préciser le rôle de l’immunoprophylaxie, des modulateurs épigénétiques et de l’intelligence artificielle dans l’optimisation du dépistage. En parallèle, une approche holistique intégrant soutien psychosocial et éducation thérapeutique reste indispensable pour améliorer la qualité de vie des survivantes.
